Le Sonnet de la jambe


Comme pâlit la joue au baiſer de l’amant,
Une inviſible lèvre a touché la peau roſe
Aux chevilles ; le ſang glorieux les arroſe
Sans que leur neige en ſoit moins blanche ſeulement.

Voici qu’un peu plus haut le divin gonflement
De la chair ſemble un marbre où la fève eſt encloſe.
Le genou ſouple règle à ſon gré chaque poſe
Et conduit l’action du pas ferme & charmant.

C’eſt la vigueur & c’eſt l’élan des chaſſereſſes ;
Ou, dans le geſte propre aux plaſtiques pareſſes,
La détente du grand repos oriental.

Et l’on ſonge à Diane, au front ceint de lumière,
Parmi ſes nymphes, près des ſources de criſtal,
La plus ſvelte, la plus ſuperbe & la première.

Collection: 
1869

More from Poet

Derrière l'épaisseur lucide du carreau
Un paysage grêle, une miniature,
Fait voir chaque détail plus petit que nature
Et tient entre les quatre arêtes du barreau.

Ce transparent posé d'aplomb sur le tableau
Montre un ciel triste encore et d'une couleur dure,
...

A Catulle mendès.

Les Parisiens, entendus
Aux riens charmants plus qu'au bien-être,
Se font des jardins suspendus
D'un simple rebord de fenêtre,

On peut voir en toute saison
Des fils de fer formant treillage
Faire une fête à la maison
De quelques...

À l'abri de l'hiver qui jetait vaguement
Sa clameur, dans la chambre étroite et bien fermée
Où mourait un bouquet fait de ta fleur aimée,
Parmi les visions de l'étourdissement ;

Pendant qu'avec la joie extrême d'un amant
Je froissais d'un coeur las et d'une main...

Le bal allait finir. Les lustres sur les masques
Découpaient la lumière en caprices fantasques,
Et sur les fronts ternis montraient à vif le fard.
L'oeil était somnambule et le rire blafard.
La femme avait vieilli de dix ans en une heure.
Ce n'était pas le beau...

Du wagon sombre où rien ne bouge, où rien ne luit,
Las des rêves, mauvais compagnons pour la nuit,
Le voyageur, avec le jour, cherchant l'espace,
Salue en souriant la campagne qui passe :
Les arbres, les moissons hautes, l'azur des prés
Lointains, sur le penchant...