Le Sonnet de la bouche


O lèvres, fleurs de ſang qu’épanouit le rire,
Frais calice du ſouffle & roſe du baiſer,
Où, malgré moi, revient mon rêve ſe poſer,
Si douces que les mots ne peuvent pas le dire

Lèvres, coupes d’amour après qui l’on aſpire,
Déſireuz de l’ivreſſe & craignant d’y puiſer ;
Le buveur délicat a peur de vous briſer,
Et lentement avec extaſe vous attire.

Je veux tarir ma ſoif à vos calices clairs ;
A votre humide bord irradié d’éclairs
Je boirai comme on boit à l’eau d’une fontaine.

Verſez-moi la careſſe, irritante douceur,
O lèvres ! ſouvenir, eſpérance lointaine,
Dont je veux mordre encor la fragile épaiſſeur !

Collection: 
1869

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