Le Sang des roses

 

LA brise est chaude comme une haleine de flamme.
Le vent passionné palpite et porte une âme
De soleil violent et d’aromes légers
Qu’il prit dans les jardins, les champs et les vergers.
Juin, qui sommeille encore aux cœurs fermés des roses,
Se parfume aux derniers rameaux des lilas roses.
L’ardent Printemps prépare une fête à l’Été.
Riches d’herbe et de fleurs, de grâce et de beauté,
Pour le retour du dieu magnifique, les routes
D’innombrables couleurs étincelleront toutes,

Et le vent chantera dans les érables verts,
Par la Nature même harmonisés, des vers !
Le cœur s’ouvre à la vie et rappelle ses rêves,
L’épanouissement en corolles des sèves
Ranime les anciens désirs et les espoirs :
Astres éteints ressurgissant au fond des soirs !
L’azur n’est plus qu’au ciel ; il est dans l’âme douce,
Avec tous les ruisseaux, avec toutes les mousses,
Avec tout le soleil et tous les papillons,
Les bois et leur fraîcheur, les nuits et leurs rayons !
Gloire à Juin qui sur l’âme et la terre flamboie,
Et dont le sang subtil dans les roses rougeoie !

Collection: 
1898

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