LE DÉPART
Le printemps ! le printemps ! la magique saison !
Le ciel sourit de joie à la jeune nature,
L’aube aux cheveux dorés s’éveille à l’horizon,
Dieu d’un rayon d’amour pare sa créature.
Avril a secoué le manteau de l’hiver,
Les marronniers touffus dressent leurs grappes blanches :
Partons, le soleil luit et le chemin est vert,
Les feuilles et les fleurs frémissent sur les branches,
Avez-vous reconnu le pinson gazouilleur ?
Le rossignol plaintif attendrit les bocages ;
Hirondelle, reviens ! le pays est meilleur,
Reviens, car nous t’aimons et n’avons pas de cages.
La brise fraîche encor frémit dans les ormeaux,
Le pommier tremble et verse une pluie odorante»
La vigne épanouie étend ses verts rameaux
Et promet une grappe à la coupe enivrante.
LA VALLÉE
La chaumière qui fume a pris un air vivant,
A l’espoir des moissons elle vient de renaître ;
Le pâle liseron grimpe à son contrevent ;
Pour voir te blé qui pousse elle ouvre sa fenêtre.
Au bout de ce vieux parc, dans l’étang du château,
Un groupe folâtrant se promène en nacelle :
Que de grâce ! On dirait un groupe de Watteau,
Où l’amour se suspend, où l’esprit étincelle.
Dans le lointain brumeux un vieux clocher flamand
S’élève avec notre âme aux régions divines,
Tandis qu’un doux signal, un joyeux aboiement,
Nous appelle à la ferme, au-dessus des ravines.
LA PRAIRIE
Dans les prés reverdis le troupeau reparaît :
Le jeune pâtre chante et sculpte une quenouille,
La vache qui nous voit jette un regard distrait,
Le grand bœuf nonchalant sommeille et s’agenouille.
A deux pas du troupeau, par les chiens arrêté,
Sous le saule éploré qui s’agite à la brise,
Une blonde génisse au beau flanc tacheté
Nous regarde passer, curieuse et surprise.
Que cachent ces baillons sur le bord du ruisseau ?
Un jeune vagabond secouant sa misère,
Émiettant son pain bis pour son ami l’oiseau,
Et de sa vie oisive égrenant le rosaire.
Auprès du vagabond un beau narcisse blanc
A mon esprit rêveur vient rappeler la fable ;
Il mire dans les flots son calice tremblant
Et semble s’égarer dans un songe ineffable.
LA MONTAGNE
Traversons ce sainfoin, cette avoine, et montons
Par ce chemin désert que le torrent ravage ;
Gravissons la colline où chèvres et moutons
S’éparpillent gaiement dans le trèfle sauvage.
Du haut de ces rochers que nos regards troublés
S’égarent çà et là dans la fraîche vallée,
Le long des clairs ruisseaux, sur les nappes de blés,
Vers le bois assombri par une giboulée.
La blonde au teint bruni qui lave dans le gué
Chante un vieil air de mai d’une voix printanière ;
Au bout de son sillon le cheval fatigué
L’écoute en agitant sa puissante crinière.
Allons nous reposer à l’ombre du sentier,
Respirons en passant cette aubépine amère,
Sous le sureau sauvage abritant l’églantier,
Cueille sans t’attrister une pâle éphémère.
LE POÈTE
Le printemps ! le printemps ! la magique saison !
Le ciel sourit de joie à la jeune nature,
L’aube aux cheveux dorés s’éveille à l’horizon,
Dieu d’un rayon d’amour pare sa créature.
L’hiver avait glacé mon cœur sous son linceul,
Je voyais s’effeuiller l’arbre des espérances ;
Je n’attendais plus rien du monde où j’étais seul,
Et je prenais la main de mes sœurs les souffrances.
Le printemps en mon cœur revient après l’exil,
Ramenant sur ses pas mille blanches colombes,
Et mon cœur refleurit au doux soleil d’avril :
L’herbe n’est-elle pas plus verte sur les tombes ?