Le Pressentiment

        C’est en vain que l’on nomme erreur
        Cette secrète intelligence
Qui, portant la lumière au fond de notre cœur,
Sur des maux ignorés nous fait gémir d’avance.
C’est l’adieu d’un bonheur prêt à s’évanouir ;
C’est un subit effroi dans une âme paisible ;
        Enfin, c’est pour l’être sensible
        Le fantôme de l’avenir.

    Pressentiment, dont j’éprouvai l’empire,
Oh ! qui peut résister à tes vagues douleurs ?
    Encore enfant, tu m’as coûté des pleurs,
Et de mon front joyeux tu chassas le sourire.

    Oui, je t’ai vu, couvert d’un voile noir,
        Aux plus beaux jours de mon jeune âge ;
        Tu formas le premier nuage
Qui des beaux jours lointains enveloppa l’espoir.
Tout m’agitait encor d’une innocente ivresse ;
Tout brillait à mes yeux des plus vives couleurs,
    Et je voyais la riante jeunesse
Accourir en dansant pour me jeter des fleurs.
        Au sein de mes chères compagnes
        Courant dans les vertes campagnes,
        Frappant l’air de nos doux accents,
        Qui pouvait attrister mes sens ?
        Comme les fauvettes légères
        Se rassemblent dans les bruyères,
        La saison des fleurs et des jeux
        Rassemblait notre essaim joyeux.
        Un jour, dans ces jeux pleins de charmes,
Je cessai tout à coup de trouver le bonheur ;
        J’ignorais qu’il fût une erreur,
        Et pourtant je versai des larmes !
    En revenant je ralentis mes pas ;
Je remarquai du jour le feu près de s’éteindre,
Sa chute à l’horizon, qu’il regrettait d’atteindre ;
Mes compagnes dansaient... moi, je ne dansai pas.

Un mois après, j’errai dans ce lieu solitaire ;
Hélas ! ce n’était plus pour y chercher des fleurs :
La mort m’avait appris le secret de mes pleurs,
    Et j’étais seule au tombeau de ma mère !

Collection: 
1806

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