Le Premier de l’an

 
Au sein du Sahara, ― la mer sinistre et dure
Dont l’onde illimitée est du sable brûlant, ―
Sous l’implacable ardeur d’un soleil aveuglant,
Se profile parfois une île de verdure.

C’est l’oasis avec ses aspects enchanteurs,
Où figuiers et dattiers confondent leurs ramures,
Où des sources d’eau vive unissent leurs murmures
Aux concerts incessants de mille oiseaux chanteurs.

Comme un émail géant l’éden au loin chatoie ;
Et dès qu’un groupe arabe, en marchant vers Alger,
Voit à l’horizon bleu ses palmiers émerger,
Il les salue avec une clameur de joie.

La caravane sait qu’elle va trouver là
Des fruits délicieux, des eaux rafraîchissantes…
Elle aborde dans l’île aux rives séduisantes
En regardant le ciel et répétant : Allah !

Elle dort tout un jour au bord de quelque source,
Bercée aux trémolos des oiseaux familiers,
Laissant paître au hasard, à travers les halliers,
Les pauvres méharis tout brisés de leur course.
 
Elle dort sous l’arceau d’arbres toujours en fleur ;
Et quand les chameliers, remis de leurs fatigues,
Quittent ce paradis plein du parfum des figues,
Ils gardent dans leur veine un peu de sa fraîcheur.

Dans le désert des ans, dans cette aride plaine
Qu’en suivant notre étoile il nous faut tous franchir,
Il est des oasis où, pour se rafraîchir,
S’arrête quelquefois la caravane humaine.

Ce sont pour nous des jours d’un éclat idéal :
De ses rayons divins l’espérance les dore ;
Et sitôt que notre œil en voit poindre l’aurore,
Nous la saluons tous d’un long cri triomphal.

Demain nous entrerons, malgré nos froids sévères,
Dans un de ces édens riants et gracieux,
Et là, rangés autour de mets délicieux,
Pour boire au nouvel an nous choquerons nos verres.

Las de marcher toujours en quête de bonheur,
Las de courir après tant de chimères vaines,
Nous nous reposerons sous des ombres sereines,
Bercés à des refrains qui monteront du cœur.

Demain, à bien des pleurs des chants succéderont ;
L’enfance frémira d’une joie infinie ;
Aux foyers tout sera paix, lumière, harmonie,
Et dans un même élan tous les cœurs s’uniront.
 
Et quand nous quitterons, l’âme toute ravie,
Ce paradis qui point à l’horizon neigeux,
Nous nous sentirons tous plus forts, plus courageux,
Pour affronter encor le désert de la vie.

Réjouissons-nous donc d’avance au coin du feu,
Et, comme les Bédouins saluant la ramée
De l’oasis ombreuse et toute parfumée,
Levons les yeux au ciel et disons : « Gloire à Dieu ! »

Collection: 
1904

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