Le Parnasse contemporain/1869/Le Spectre

Malheur à qui, tournant l’angle d’un carrefour,
Insouciant, sourit en coudoyant le vice !
Il faut qu’un noble cœur se révolte & frémisse,
Quand, le soir, apparaît le spectre de l’amour.

Il faut que l’âme honnête aspire à ce beau jour.
Où finira l’immonde & navrant sacrifice ;
Où la fille du peuple, arrachée au supplice,
Sans effort marchera dans l’honneur à son tour.

O toi, qui peux railler la pâle pécheresse,
Sans sonder à la fois sa honte & sa détresse,
Double cancer, vivace au sein de nos cités,

A cet amour impur je condamne ta vie !
Qu’il soit ton châtiment ; l’autre amour, ton envie !
Qu’une vierge jamais ne vienne à tes côtés !

Collection: 
1971

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Il faut aux bruns enfants que la chaleur enivre
Des fruits qu’on...

Donnez la même tombe aux deux êtres aimés :
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Hante la crête des grands murs.
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Dans la molle...