Le Paradis

 

S’IL est au paradis un lieu pour les poètes,
Ce doit être la plus sereine des retraites,
Où le silence est fait de bruits d’ailes et d’eau,
Où le feuillage bouge en transparent rideau.
Crépuscule éternel, l’ombre à peine déploie
Son voile gris devant le soleil qui flamboie,
Et toujours les ors verts, rouges et violets
Teignent les arbres hauts du feu de leurs reflets.
Sans cesse, une musique est dans la brise errante :
Cet asile est au bord de la mer murmurante.

François Coppée est là, Sully Prudhomme aussi,
Reposant leurs grands cœurs du terrestre souci,
En rythmant de beaux vers que chanteront les anges.
André Theuriet, champêtre encore et doux, louange
Les forêts de Lorraine, où son amour naissant
Mit des ailes de gloire à son vers caressant…

Peut-être que ce ciel en esprit seul existe ;
C’est lui pourtant que je souhaite à tout artiste
Qui, distrait par le bruit obsédant et sans fin,
Cherche à saisir son âme et sa pensée, en vain.

Collection: 
1898

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