Le Magyar

 
Istvan Benko, magnat de la steppe hongroise,
Le même qui portait au pouce une turquoise
Qui pâlissait, dit-on, quand le Turc arrivait,
Prodigua follement tout le bien qu’il avait.
Ce seigneur fut vraiment magnifique ; et l’on conte
Que, dans un bal champêtre, un jour, le riche comte
Vint, parmi ses vassaux, en superbes habits,
Couvert de diamants, de saphirs, de rubis
Et de lourds sequins d’or, qu’il avait, par caprice,

Mal attachés exprès au drap de sa pelisse,
Afin que, tout le temps qu’il serait à danser,
Ils tombassent par terre et qu’on pût ramasser.
Certes, les pauvres gens ne s’en firent pas faute.
Mais, quand ce fut fini, leur noble et puissant hôte
Alla droit vers un vieux qui, resté dans son coin,
S’était croisé les bras en regardant de loin,
Vrai Magyar, en manteau de laine aux larges manches,
En talpacknoir, et dont les deux moustaches blanches
Tombaient sévèrement sous un nez de vautour.

« Je voudrais te donner quelque chose à ton tour,
Père, lui dit le comte Istvan avec malice ;
Mais je n’ai plus un seul sequin sur ma pelisse.
Dis-moi : Pourquoi n’as-tu voulu rien ramasser ? »

Le vieillard répondit :

                                     « Il fallait se baisser. »

Collection: 
1892

More from Poet

O poète trop prompt à te laisser charmer,
Si cette douce enfant devait t'être ravie,
Et si ce coeur en qui tout le tien se confie
Ne pouvait pas pour toi frémir et s'animer ?

N'importe ! ses yeux seuls ont su faire germer
Dans mon âme si lasse et de tout assouvie...

J'écris près de la lampe. Il fait bon. Rien ne bouge.
Toute petite, en noir, dans le grand fauteuil rouge,
Tranquille auprès du feu, ma vieille mère est là ;
Elle songe sans doute au mal qui m'exila
Loin d'elle, l'autre hiver, mais sans trop d'épouvante,
Car je suis...

Champêtres et lointains quartiers, je vous préfère
Sans doute par les nuits d'été, quand l'atmosphère
S'emplit de l'odeur forte et tiède des jardins ;
Mais j'aime aussi vos bals en plein vent d'où, soudains,
S'échappent les éclats de rire à pleine bouche,
Les polkas...

Songes-tu parfois, bien-aimée,
Assise près du foyer clair,
Lorsque sous la porte fermée
Gémit la bise de l'hiver,

Qu'après cette automne clémente,
Les oiseaux, cher peuple étourdi,
Trop tard, par un jour de tourmente,
Ont pris leur vol vers le Midi ;...

Captif de l'hiver dans ma chambre
Et las de tant d'espoirs menteurs,
Je vois dans un ciel de novembre,
Partir les derniers migrateurs.

Ils souffrent bien sous cette pluie ;
Mais, au pays ensoleillé,
Je songe qu'un rayon essuie
Et réchauffe l'oiseau...