Ne nous accusez pas de deuils imaginaires,
Et de vous attendrir par des pleurs simulés,
Et d’aller parmi vous comme des poitrinaires
Cherchant des rêves fous qui se sont envolés.
Car nous ne pleurons pas sur nous, mais sur vous autres,
Sur les méchants, sur les flétris, sur les jaloux ;
A voir tant de péchés, nous pleurons en apôtres ;
Nous pleurons en bergers, à trouver tant de loups.
Le sonore instrument où tout notre cœur vibre
Veut élever la foule à des désirs meilleurs ;
Si l’accord n’est pas gai, notre choix n’est pas libre :
Nous sommes un écho, mais la voix vient d’ailleurs ! ..
La voix vient des vallons et la voix vient des plaines,
Où les nids sont gisants sur les gazons fleuris ;
Les logis sont vidés et les tombes sont pleines,
Et le genre humain marche à travers des débris !…
Et le poète, lui, dans ce monde qui pleure,
Est pareil à la harpe inerte qui frémit
Au souffle de la brise errante qui l’effleure :
C’est que triste est le vent si la harpe gémit !…