Quand les chênes, à chaque branche,
Poussent leurs feuilles par milliers,
La véronique bleue et blanche
Sème les tapis à leurs pieds ;
Sans haleine, à peine irisée,
Ce n’est qu’un reflet de couleur,
Pleur d’azur, goutte de rosée,
Que l’aurore a changée en fleur.
Douces à voir, ô véroniques !
Vous ne durez qu’une heure ou deux,
Fugitives et sympathiques
Comme des regards amoureux.
Les violettes sont moins claires,
Les bluets moins légers que vous,
Les pervenches moins éphémères
Et les myosotis moins doux.
Le dahlia, non plus la rose,
N’imiteront point votre azur ;
Votre couleur bleue est éclose
Simplement comme un amour pur.
Douces à voir, ô véroniques !
Vous ne durez qu’une heure ou deux,
Fugitives et sympathiques
Comme des regards amoureux.
Le papillon bleu vous courtise,
L’insecte vous perce le cœur,
D’un coup de bec l’oiseau vous brise,
Que guette à son tour l’oiseleur.
Rêveurs, amants, race distraite,
Vous effeuilleront au hasard,
Sans voir votre grâce muette.
Ni votre dernier bleu regard.
Douces à voir, ô véroniques !
Vous ne durez qu’une heure ou deux,
Fugitives et sympathiques
Comme des regards amoureux.
Ô fleur insaisissable et pure,
Saphir dont nul ne sait le prix,
Mêlez-vous à la chevelure
De celle dont je suis épris ;
Pointillez dans la mousseline
De son blanc peignoir entr’ouvert,
Et dans la porcelaine fine
Où sa lèvre boit le thé vert.
Douces à voir, ô véroniques !
Vous ne durez qu’une heure ou deux,
Fugitives et sympathiques
Comme des regards amoureux.
Fleurs touchantes du sacrifice,
Mortes, vous savez nous guérir ;
Je vois dans votre humble calice
Le ciel entier s’épanouir.
Ô véroniques ! sous les chênes
Fleurissez pour les simples cœurs
Qui, dans les traverses humaines,
Vont cherchant les petites fleurs.
Douces à voir, ô véroniques !
Vous ne durez qu’une heure ou deux,
Fugitives et sympathiques
Comme des regards amoureux.