Le Chant des soldats

 
Toute l'Europe est sous les armes,
C'est le dernier râle des rois,
Soldats ne soyons point gendarmes,
Soutenons le peuple et ses droits.
Les républiques nos voisines
De la France invoquent le nom ;
Que les Alpes soient des collines
Pour les chevaux et le canon.

Aux armes, courons aux frontières !
Qu'on mette au bout de nos fusils
Les oppresseurs de tous pays,
Les poitrines des Radetzkis !
Les peuples sont pour nous des frères,
Et les tyrans des ennemis.

Pour le soldat la palme est douce,
Quand le combat fut glorieux ;
De Transnonain, de la Croix-Rousse,
Les cyprès nous y sont odieux.
Quoi pousser à la boucherie
Des frères comme des taureaux !
C’est faire pleurer la Patrie,
Et c’est avilir des héros.

Aux armes, courons aux frontières !
Qu'on mette au bout de nos fusils
Les oppresseurs de tous pays,
Les poitrines des Radetzkis !
Les peuples sont pour nous des frères,
Et les tyrans des ennemis.

Sous le joug de la politique
Que d’affronts tout bas dévorés !
Nous pensions que la République
Nous aurait enfin délivrés.
Peuple avec toi nous l’avons faite
Te souvient-il de Février ?
Ce ne fut point une défaite
Nous t’avions céder le laurier.

Aux armes, courons aux frontières !
Qu'on mette au bout de nos fusils
Les oppresseurs de tous pays,
Les poitrines des Radetzkis !
Les peuples sont pour nous des frères,
Et les tyrans des ennemis.

Nous savons ce que nous prépare
Le tigre couronné du Nord ;
Du carnage n’est point avare,
Il tue un peuple quand il mord.
L’ordre qui règne à Varsovie
Et dans tout le Midi révolté
Menace d’étouffer la vie
Et les germes de liberté.

Aux armes, courons aux frontières !
Qu'on mette au bout de nos fusils
Les oppresseurs de tous pays,
Les poitrines des Radetzkis !
Les peuples sont pour nous des frères,
Et les tyrans des ennemis.

De Pesth à Rome les étapes
Seraient des bûchers de martyrs ;
Les Cosaques, hideux satrapes,
Assouviraient tous leurs désirs,
Sur l’or, sur le vin, sur les femmes ;
Dans l’orgie et dans les débris,
A travers le sang et les flammes,
Ils viendraient au cœur de Paris.

Aux armes, courons aux frontières !
Qu'on mette au bout de nos fusils
Les oppresseurs de tous pays,
Les poitrines des Radetzkis !
Les peuples sont pour nous des frères,
Et les tyrans des ennemis.

Soldats arrêtons cette horde !
Elle menace d’envahir,
Danube de sang qui déborde,
Tout le passé, tout l’avenir.
Canons de vos gueules béantes
Arrêtez la marche du Czar.
Baïonnettes intelligentes,
Formons à l’idée un rempart.

Aux armes, courons aux frontières !
Qu'on mette au bout de nos fusils
Les oppresseurs de tous pays,
Les poitrines des Radetzkis !
Les peuples sont pour nous des frères,
Et les tyrans des ennemis.

Que la République française
Entraîne encore ses bataillons,
Aux accents de la Marseillaise,
A travers de rouges sillons.
Que la victoire de son aile
Touche nos fronts, et cette fois,
La République universelle
Aura balayé tous les rois.

Aux armes, courons aux frontières !
Qu'on mette au bout de nos fusils
Les oppresseurs de tous pays,
Les poitrines des Radetzkis !
Les peuples sont pour nous des frères,
Et les tyrans des ennemis.

Collection: 
1848

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