La Soif


  Sous la tente — ô ma bien-aimée — ce soir je t’attends.
  Kérim ! Prends mon étendard et dresse-le en bannière
d’allégresse au plus haut de ma tente.
  Combien de lunes se sont-elles inscrites au firmament
depuis que je suis altéré de toi — ô ma bien-aimée —
car le sang répandu de mes ennemis n’a pas étanché
la soif de mon cœur.
  Le crépuscule guette déjà le jour expirant. Le soleil
lance déjà son adieu royal dans une chevauchée flamboyante
de nuages. Les voiles du soir s’étendent un à un
sur la journée lassée ; ils enclosent de ténèbres les
bouches convulsées des mourants et recueillent dans leurs
plis silencieux le dernier cri de rage des vaincus.
  Kérim ! Au sommet de la dune surgit la caravane,
gardienne de mon trésor vivant !


  Le vent du désert s’est levé. Assure-toi si son souffle
fait fête à mon étendard déployé.

  Ô mon cœur, mon cœur durci aux batailles, vos battements
ont retrouvé le printemps de ma jeunesse
défunte.

  Kérim ! Le vent du désert fait rage. Sors de la tente
et vois si mon étendard résiste à son souffle désordonné.
L’étendard claque au vent — ô chérif — et chaque
ondulation conte à la terre tes victoires.

  Kérim ! Kérim ! Le vent du désert souffle en tempête.
Va, jeune homme, soutenir de ton bras mâle
l’étendard triomphateur.

         Kérim obéit à son maître.
     Il soulève la portière de la tente.
         Et le sable l’aveugle.
     Il franchit le seuil de la tente
         Et la nuit l’enveloppe.
     Il avance pour soutenir l’étendard
Et Safiah, l’Attendue, étanche sa soif à ses lèvres.

Collection: 
1895

More from Poet



  • L’eau glisse et s’épand dans la vasque,
    Et c’est la chanson du printemps.

    Le rosier s’effeuille sur la vasque,
    Et c’est le carmin du printemps.

    Le soleil se joue sur la vasque,
    Et c’est le sourire du printemps.

    ...
  •         Un grain de sable dans Sa babouche
    Que faut-il de plus pour allumer la jalousie d’Afrassiâb ?

  •    Quand tu ouvres la bouche — ô Gul-i-siah —
    j’aperçois une caverne où s’alignent des perles dédaignées
    du tellal.

       Quand ton haleine m’atteint — ô Gul-i-siah — je
    porte sans délai la rose à mes narines.

       Quand tu commences un...

  •    Quand tu marches — ô Azizé — la gazelle se juge
    pesante et l’antilope entravée.

       Quand tu souris — ô Azizé — les perles perdent
    aussitôt leur orient et les roses s’effeuillent, dépitées
    d’exhaler un parfum si grossier.

       Quand tu...


  • À mes lèvres le goût du miel :
            Son baiser.
    Dans mon âme un reflet du paradis :
            Ses yeux.
    Dans mon cœur un poignard :
            Ses serments.