Après la moisson faite et tous les blés rentrés,
Quand depuis plus d’un mois les champs sont labourés,
Qu’il gèlera demain, et qu’une fois encore
L’Automne, du plus haut des coteaux qu’elle dore,
Se retourne en fuyant, le front dans un brouillard,
Oh ! que la plaine est triste autour du boulevard !
C’est au premier coup d’œil une morne étendue,
Sans couleur ; çà et là quelque maison perdue,
Murs frêles, pignons blancs en tuiles recouverts ;
Une haie à l’entour en buissons jadis verts ;
Point de fumée au toit ni de lueur dans l’âtre ;
De grands tas au rebords des carrières de plâtre ;
Des moulins qui n’ont rien à moudre, ou ne pouvant
Qu’à peine remuer leurs quatre ailes au vent,
Et loin, sur les coteaux, au-dessus des villages,
De longs bois couronnés de leurs derniers feuillages ;
Car, tandis que de l’arbre en la plaine isolé
Le beau feuillage au vent s’en est d’abord allé,
Les bois sur les coteaux, comme l’homme en famille,
Résistent plus longtemps : un pâle rayon brille
Sur ce front de verdure à demi desséché,
Quand pour d’autres déjà le soleil est couché.
Mais dans la plaine, quoi ? des jachères pierreuses,
Et de maigres sillons en veines malheureuses,
Que la bêche, à défaut de charrue, a creusés ;
Et sur des ceps flétris des échalas brisés ;
De la cendre par place, un reste de fumée,
Et le sol tout noirci de paille consumée ;
Parfois un pâtre enfant, à la main son pain bis,
Dans le chaume des blés paissant quelques brebis ;
À ses pieds son chien noir, regardant d’un air grave
Une vieille qui glane au champ de betterave.
Et de loin l’on entend la charrette crier
Sous le fumier infect, le fouet du voiturier,
De plus près les grillons sous l’herbe sans rosée,
Ou l’abeille qui meurt sur la ronce épuisée,
Ou craquer dans le foin un insecte sans nom ;
D’ailleurs personne là pour son plaisir, sinon
Des chasseurs, par les champs, regagnant leurs demeures,
Sans avoir aperçu gibier depuis six heures…
Moi pourtant je traverse encore à pas oisifs,
Et je m’en vais là-bas m’asseoir où sont les ifs.
La Plaine
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