La Journée perdue

Me voici... je respire à peine !
Une feuille m’intimidait ;
Le bruit du ruisseau m’alarmait ;
Je te vois !... je n’ai plus d’haleine !
Attends... je croyais aujourd’hui
Ne pouvoir respirer auprès de ce que j’aime.
Je me sentais mourir, en ce tourment extrême,
De ta peine et de mon ennui.

Quoi! je cherche ta main, et tu n’oses sourire?
Ton regard me pénètre et semble m’accuser?
Je te pardonne, ingrat, tout ce qu’il semble dire ;
Mais laisse-moi du moins le temps de m’excuser.

J’ai vu mes moissonneurs réunis sous l’ombrage ;
Ils chantaient; mais pas un ne dit bien ta chanson.
Ma mère, lasse enfin de veiller la moisson,
Dormait. Je voyais tout, les yeux sur mon ouvrage.

Alors, en retenant le souffle de mon cœur,
Qui battait sous ma collerette,
Je fuyais dans les blés, ainsi qu’une fauvette,
Quand on l’appelle ou qu’elle a peur.

Je suivais, en courant, ton image chérie,
Qui m’attirait, souriait comme toi ;
Mais aux travaux de la prairie
Les malins moissonneurs m’enchaînaient malgré moi.
L’un m’appelait si haut, qu’il éveillait ma mère;
Je revenais confuse eu cueillant des pavots.
Et, caressant ses yeux de leur fraîcheur légère.
Je grondais le méchant qui troublait mon repos.
Hélas ! j’aurais voulu m’endormir auprès d’elle,
Mais je ne dors jamais le jour ;
La nuit même, la nuit me paraît éternelle,
Et j’aime mieux te voir que de rêver d’amour.
Que mon cœur est changé ! comme il était tranquille !
Je le sentais à peine respirer.
Ah! quand il ne fait plus que battre et soupirer,
L’heure qui nous sépare au temps est inutile.
Envoyant le soleil encor si loin du soir.
Je me disais : Mon Dieu ! que ma mère est heureuse !
Le repos la surprend dès qu’elle peut s’asseoir ;
Ma mère n’est pas amoureuse !
Et je fermais les yeux pour rêver le bonheur ,
Et mes yeux te voyaient couché dans ce bois sombre ;
Et, quand tu gémissais à l’ombre,
Le soleil me brûlait le cœur.

Olivier, voudrais-tu?... Que ton sourire est tendre!
L’amitié n’est pas là ! je ne puis plus parler.

Dis-moi... Que disions-nous? Oh! comment rappeler
Tout ce qu’il me reste à t’apprendre?

Regarde : ce matin j’avais tressé ces fleurs;
Mais quoi ! tout a langui des feux de la journée ;
Et la couronne à l’amour destinée
N’a servi qu’à voiler mes pleurs.
Je pleurais : c’est que l’heure, à présent si légère,
Dormait comme ma mère.
Enfin le jour se cache et me prend en pitié ;
Enfin l’agneau bêlant quitte le pâturage ;
Ma mère, sans me voir, est rentrée au village:
Et déjà ma promesse est remplie à moitié.
Je te vois, je te parle, et je te donne encore
Ce bouquet dont l’éclat s’est perdu sur mon sein,
Demande-lui si je t’adore ;
Moi, j’accours seulement pour te dire : A demain !

Collection: 
1806

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