La Fleur de la vallée

 
De fraîcheur, de jeunesse et de rosée humide,
Tu penches vers le sol ta tête humble et timide,
O ma fleur triste et chère ! Hélas ! si jeune encor,
Quel ennui s’est glissé dans ton calice d’or,
Et, comme un ver caché sous la blonde étamine,
Fait languir et pencher ta corolle divine ?
L’abeille qui, glanant son trésor de liqueur,
Boit le miel de ta feuille et les sucs de ton cœur,
Oubliant sur ton sein la ruche bien-aimée,
Voudrait vivre et mourir dans ta coupe embaumée.
Qu’as-tu donc, pauvre fleur ? As-tu perdu l’amour
Du papillon d’azur, fils de l’air et du jour ?
L’infidèle a-t-il pris son vol vers tes compagnes ?…
Fille de la vallée, est-il fils des montagnes
Le lys que vous aimez ? Et le destin jaloux
A-t-il mis de ces bois la distance entre vous ?
Quand le vent du matin souffle sur la colline,
C’est vers lui, n’est-ce pas, que ta tige s’incline ?
Oh ! dis-moi tes ennuis ! Pour les peines du cœur
Ma lèvre n’eut jamais un sourire moqueur.
Au zéphyr je dirai d’adoucir son haleine
Pour monter vers ton lys et lui conter ta peine ;
Et je prierai l’abeille à la bouche de miel,
L’insecte aux ailes d’or qui passe dans le ciel,
Et ma muse aux doux yeux, ma muse au doux langage,
De lui porter pour toi quelque amoureux message.

Et la fleur, vers ma voix se penchant doucement,
Douce, me répondit : « Poète, mon amant
M’aime et je l’aime aussi ; quand ma tête inclinée
Fléchit, c’est que pour lui lourde est la destinée.
Il vit sur la montagne, et moi dans ces vallons,
Seule à l’abri, je crains pour lui les aquilons.
Leur souffle est si puissant, et sa tige est si frêle !
Voilà quelle est ma peine incessante et cruelle. »

De partout, ô Seigneur ! l’espérance s’enfuit ;
L’illusion s’effeuille et le doute nous suit.
L’inquiétude habite, hélas ! le sein des femmes.
Rends la rosée aux lys et l’espérance aux âmes,
Viens d’un rayon d’en haut, Dieu ! viens sécher nos pleurs,
Et prends enfin pitié des hommes et des fleurs.

Collection: 
1835

More from Poet

 
Puisque en tes jours bénis de gloire et de puissance,
Du pauvre jusqu’à toi franchissant la distance,
Tu l’aidas de sa croix à porter le fardeau ;
Et que, sourd aux instincts d’une opulence avare,
Toi, prince, tu couvris les membres de Lazare
       Des plis...

 
LA MÈRE

Pourquoi jeter ta voix si paisible et si douce
A travers ces rumeurs d'un siècle aux fortes voix ?
Ami, crois-moi, résiste au démon qui te pousse ;
Laisse tes faibles chants, comme l'eau sur la mousse
Laisse tes chants couler à l'ombre de nos...

 
La vipère du mal a mordu ta pensée,
Poète, et dans ton sein la colombe blessée
Palpite. Apaise-toi ; ferme ton noble cœur
Aux stériles conseils d’une aveugle douleur.
Souffre ; laisse venir les heures vengeresses.
Mais pour le Mal alors plus de pitiés...

 
Marie, ô douce enfant aux grands yeux de gazelle,
Qui naquis sur un sol où croissent les palmiers ;
Toi dont l’âme charmante et les songes premiers
Se sont ouverts, bercés à la voix fraternelle
         Des bengalis et des ramiers !

O douce enfant ! ta vie...

 
Loin d’ici veux-tu fuir ? pauvre couple enchaîné,
Veux-tu nous envoler vers l’île où je suis né ?
Je suis las de contrainte et de ruse et d’entrave.
Le ciel ne m’a point fait avec un cœur d’esclave !
Me cacher pour te voir, pour t’aimer, ô tourment !
Je veux...