L’Oiseau

 
L'astre de la nuit s'avance
Dans l'azur pâle des cieux,
Voici l'instant du silence
Dans les bois mystérieux.

La brise du soir effeuille
La fleur éclose au matin,
A mes pieds glisse la feuille
Qu'emporte un souffle incertain.

Au bruit de l'eau sous l'ombrage
Dont la voix chante en coulant,
Au murmure du feuillage
Qu'agite un souffle inconstant ;

Pourquoi mêler une plainte
O triste et charmant oiseau,
Dont je vois l'image empreinte
Dans l'azur de ce ruisseau ?

Dis-moi pourquoi tu soupire
Ces mélodieux accords,
Dont le bruit plaintif expire
Parmi les fleurs de ces bords ?

Appelles-tu ta compagne,
Lui dis-tu que le soleil
Vient de fuir sous la montagne
Et nous invite au sommeil ?

Au doux nid qui vous rassemble
Qui s'oppose à son retour ?
Vous y reveniez ensemble
Au déclin de chaque jour.

Je le vois, seul en ces heures
Où règne la paix des nuits,
Ton coeur s'alarme et tu pleures
Le veuvage et ses ennuis.

Mais si quelquefois une ombre
Aux lieux qui lui furent chers,
Revient avec la nuit sombre,
Au bruit des tristes concerts ;

Errante aux pieds du vieux saule,
Sur les gazons et les fleurs,
Ta compagne se console
Aux doux chants de tes douleurs.

Car une larme qui tombe,
Un secret soupir de deuil,
Vont consoler dans leur tombe
Ceux qu'enferme le cercueil.

Il doit être doux d'entendre,
Dans le calme du trépas,
Une voix plaintive et tendre
Pour nous soupirer tout bas ;

Et de voir, dans cet asyle
Où l'homme est enseveli,
Tandis qu'un monde futile
Sur nous a jeté l'oubli,

Tous ceux dont notre tendresse
Avait captivé les coeurs,
Répandre dans leur tristesse
Des prières et des fleurs !

Quand j'aurai quitté la terre,
Semblable au petit oiseau,
O ma soeur, viens solitaire,
Viens prier sur mon tombeau !

Collection: 
1835

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