L’Insomnie

Je ne veux pas dormir. Ô ma chère insomnie !
        Quel sommeil aurait ta douceur ?
L’ivresse qu’il accorde est souvent une erreur,
Et la tienne est réelle, ineffable, infinie.
Quel calme ajouterait au calme que je sens ?
Quel repos plus profond guérirait ma blessure ?
Je n’ose pas dormir ; non, ma joie est trop pure ;
        Un rêve en distrairait mes sens.

Il me rappellerait peut-être cet orage
Dont tu sais enchanter jusques au souvenir ;
Il me rendrait l’effroi d’un douteux avenir,
Et je dois à ma veille une si douce image !
Un bienfait de l’Amour a changé mon destin :
Oh ! qu’il m’a révélé de touchantes nouvelles !
Son message est rempli ; je n’entends plus ses ailes :
        J’entends encor : demain, demain !

        Berce mon âme en son absence,
        Douce insomnie, et que l’Amour
        Demain me trouve, à son retour,
        Riante comme l’espérance.
Pour éclairer l’écrit qu’il laissa sur mon cœur,
        Sur ce cœur qui tressaille encore,
Ma lampe a ranimé sa propice lueur,
        Et ne s’éteindra qu’à l’aurore.

Laisse à mes yeux ravis briller la vérité ;
Écarte le sommeil, défends-moi de tout songe :
Il m’aime, il m’aime encore ! Ô Dieu ! pour quel mensonge
Voudrais-je me soustraire à la réalité ?

Collection: 
1806

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