L’Inondation de 1910

J’avais dans la banlieue
Mon toit officiel.
Se mirant en l’eau bleue,
Quand était bleu le ciel.

J’étais là, bien tranquille,
Lisant, ces jours derniers,
Les horreurs de la Ville
Que narraient ses « papiers » :

Plus d’amour, plus de joie !
Disaient tous ces journaux.
Paris semble être en proie
À des dieux infernaux.

La Seine de ses berges
Brisant les contreforts,
Emportait les concierges
Qui règnent sur ses bords.

Et ses ondes bourrues
Envahissaient aussi
Les boulevards, les rues,
De Montmartre à Bercy…

Si bien, qu’en cette crise,
Les habitants, surpris,
Se trouvaient à… Venise,
Se croyant à Paris.

Mais, ces feuilles publiques —
Pensais-je — leur métier
Est d’être hyperboliques,
De tout amplifier.

Au surplus, ce déluge
Ne m’intéresse pas,
Puisque j’ai mon refuge,
Ici, non point là-bas.

Que la Seine s’acharne
Et déborde ses quais…
Moi, qui suis sur la Marne,
Qu’est-ce que je risquais ?

On me disait : « Regarde ! »
Elle monte… tu sais… »
Je n’y prenais pas garde,
Imprudent que j’étais !

Car, cette Marne, fière
Du progrès de ses eaux,
Poursuivait sa carrière
Entre mille roseaux,

Active, opiniâtre…
Tant c’est, qu’un beau matin.
Par son onde jaunâtre
Mon seuil était atteint.

Cela devenait grave
Pour mes humbles lambris ;
Sans compter que ma cave,
Qu’est-ce qu’elle avait « pris » !

Bref, par une fenêtre,
Je dus fuir en bateau,
Avant que de connaître
Les méfaits de cette eau

Innombrable, effroyable.
Elle était trop ! D’autant,
Pour que je fuie au diable,
Qu’il ne m’en faut pas tant !

Collection: 
1920

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