L’Idéal Compagnon

 

JE me confie au Rêve accueillant, dont les yeux
Sont si grands qu’on y voit l’azur de tous les cieux,
Dont les mains de caresse ineffable sont pures,
Dont les pieds de blancheur ignorent les souillures,
Et dont la voix, muette harmonie, entre au cœur
Comme un vent frais chargé de grâce et de douceur !
Oh ! quand le soir, devant le jour bleu qui recule,
Laisse traîner comme un lambeau de crépuscule,
Que la cendre de l’heure estompe l’horizon
Et qu’un bruit de musique attendrit la maison,

Je me confie au Rêve éternel, et j’oublie
Ce que j’ai de regrets et de mélancolie…
― Guide sûr, vieil ami qui ne trahiras pas,
Idéal compagnon du poète ici-bas,
Je te donne ma vie afin que tu la mènes
Loin du triste sentier des misères humaines
Et que, l’enveloppant d’un amour tendre et fort,
Tu la conduises, par le bonheur, à la mort !

Collection: 
1898

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