I. ― LES RIVIÈRES
Te rappelles-tu nos calmes rivières
Qui se répandaient, limpides et fières,
A travers les champs fleuris de houblons,
Dans le beau pays où les toits sont blonds.
Te rappelles-tu nos rivières lentes
Qui traînaient au loin leurs eaux indolentes,
Tristes de quitter un si doux climat.
A peine une barque avec un long mât
Troublait le sommeil des rivières calmes,
Où les nénuphars allongeaient leurs palmes,
Les nénuphars blancs qui semblaient des lys.
Oh ! les noms charmants : la Dendre et la Lys,
qui, venant de voir quelques villes proches,
Conservaient encor un adieu de cloches,
Et dans la campagne apaisant leurs eaux
chuchotaient tous bas aux jeunes roseaux
Qu’il est beau de voir sous des ciels maussades,
Le gothique noir des vieilles façades !
II. ― LES RUISSEAUX
Tu connais aussi nos ruisseaux,
Nos sources pures
Où le feuillage au bord des eaux
Met des guipures.
L’eau prend plaisir sur le gazon
A se répandre
Et va chanter à l’horizon
La mère Flandre !
Petits ruisseaux arc-en-ciellés
Faisant des bulles,
Petits ruisseaux qui sont frôlés
De libellules.
Tous ces ruisseaux sont des flâneurs,
O mère Flandre !
Mais ce sont aussi des donneurs
De conseil tendre.
Zèle d’amour pris aux amants
Dans les kermesses,
Qui font devant eux leurs serments,
Et leurs promesses.
Petits ruisseaux, les confidents,
Chantant de joie
Quand on rafraîchit ses mains dans
L’eau qui tournoie.
Et, joyeux, donnant en cadeau,
Pour les dimanches
Aux amoureux, des bagues d’eau
En perles blanches.
Leurs talus sont si rapprochés
Qu’entre les berges
Rien ne se mire : ni clochers,
Ni toit d’auberges,
Ni grands moulins transfigurant
Le paysage ;
Mais le cadre est juste assez grand
Pour un visage.
Et c’est tout leur bonheur qu’au fil
De l’eau charmée
Se reflète seul un profil
De femme aimée !