L’Avenir

Canada, terre d’espérance,
Un jour songe à t’émanciper ;
Prépare-toi dès ton enfance,
Au rang que tu dois occuper ;
Grandi sous l’aile maternelle,
Un peuple cesse d’être enfant :
Il rompt le joug de sa tutelle,
Puis il se fait indépendant.
Ô terre américaine,
Sois l’égale des rois :
Tout te fait souveraine,
La nature et tes lois.

Rougi du sang de tant de braves,
Ce sol, jadis peuplé de preux,
Serait-il fait pour des esclaves,
Des lâches ou des malheureux ?
Nos pères, vaincus avec gloire,
N’ont point cédé leur liberté :
Montcalm a vendu la victoire,
Son ombre dicta le traité.
Ô terre américaine,
Sois l’égale des rois :
Tout te fait souveraine,
La nature et tes lois.

Vieux enfants de la Normandie,
Et vous, jeune fils d’Albion,
Réunissez votre énergie,
Et formez une nation :
Un jour notre mère commune
S’applaudira de nos progrès,
Et guide, au char de la fortune,
Sera le garant du succès.
Ô terre américaine,
Sois l’égale des rois :
Tout te fait souveraine,
La nature et tes lois.

Si quelque ligue osait suspendre
Du sort le décret éternel !
Jeunes guerriers, sachez défendre
Vos femmes, vos champs et l’autel.
Que l’arme au bras chacun s’écrie :
« Mort à vous, lâches renégats ;
Vous immolez votre patrie :
Vos crimes nous ont fait soldats. »
Ô terre américaine,
Sois l’égale des rois :
Tout te fait souveraine,
La nature et tes lois.

Sur cette terre encor sauvage
Les vieux titres sont inconnus :
La noblesse est dans le courage,
Dans les talents, dans les vertus.
Le service de la patrie
Peut seul ennoblir des héros ;
Plus de noblesse abâtardie,
Repue aux greniers des vassaux.
Ô terre américaine,
Sois l’égale des rois :
Tout te fait souveraine,
La nature et tes lois.

Mais je vois des mains inhumaines
Agiter un sceptre odieux !
De fureur bouillonne en nos veines,
Ce noble sang de nos aïeux ;
Dans ces forêts, sur ces montagnes
Le batailon s'apprête, et sort :
La faulx qui rasait nos campagnes
Soudain se change en faulx de mort.
Ô terre américaine,
Sois l’égale des rois :
Tout te fait souveraine,
La nature et tes lois.

Collection: 
1836

More from Poet

  • Quels sont, ô mon pays, cet ébat sanguinaire,
    Cette ardeur parricide, et ces débris fumants !
    Pleure, oh! pleure du sang!... comme un drap funéraire,
    De neige un froid linceul étreint tes fils mourants !

    Le voilà donc enfin ce volcan politique
    Soufflant au cœur...

  • Air : L’Astre de nuit dans son paisible éclat.

    Ô Canada ! que tes jours étaient beaux
    Quand l’amitié dévoilait leur aurore !...
    Tes ennemis se donnent tes lambeaux
    Comme un fruit mûr...

  • Épigraphe sanglant d’un drame ensanglanté,
    Aux parois de ces murs quelle main t'a jeté ?
    Osas-tu, noble élan d’une vengeance active,
    Sarcasme audacieux, défier l’oppresseur ?
    D’une épouse éplorée es-tu la voix plaintive,
    Ou le cri d’un mourant qui demande...

  • La cloche tinte au vieux clocher
    Et l’aviron suit la voix du nocher.
    Sur le rivage il se fait tard.
    Chantons, chantons l’air du départ :
    Nagez, rameurs, car l’onde fuit,
    Le rapide est proche et le jour finit.

    Pourquoi donner la voile au vent !
    Pas un...

  • Canada, terre d’espérance,
    Un jour songe à t’émanciper ;
    Prépare-toi dès ton enfance,
    Au rang que tu dois occuper ;
    Grandi sous l’aile maternelle,
    Un peuple cesse d’être enfant :
    Il rompt le joug de sa tutelle,
    Puis il se fait indépendant....