Celui que chaque soir votre parole élève,
Qui pense avec vous de moitié ;
Celui dont vous savez le plus intime rêve
Et qui vit de votre amitié ;
Celui que vous avez laissé voir dans votre âme
Et s’approcher de votre cœur,
Afin de lui montrer ce que Dieu dans la femme
A mis d’amour et de bonheur,
Quand il n’y croyait plus et n’avait d’autre envie,
Las de traîner depuis vingt ans
Son boulet de forçat au bagne de la vie,
Que de n’y pas finir son temps ;
— Celui-là ne sera jamais, il vous le jure
Sur ce cœur que vous avez fait,
Un de ces hommes vils, dont la pensée impure
Aux choses basses se complaît. —
L’ame que vous avez mariée à la vôtre
Pourrait jusque-là s’oublier !…
— Dans le cloaque infect où le canard se vautre
Voit-on s’abattre l’aigle altier ?
Non ! — l’aigle vit tout seul sur la plus haute cime
— Le tonnerre rugit en bas,
L’avalanche s’écrase et roule dans l’abîme,
Le torrent hurle : — il n’entend pas ;
Immobile, de l’ongle étreignant quelque pierre,
Quelque bras de pin foudroyé,
Il attache au soleil son grand œil sans paupière,
D’ineffables lueurs noyé.