Jours d’été

Lorsque l’été flambant brûle la ville lasse,
Et le peuple pointu des toits capricieux,
Le vieux gardien du vieux beffroi suit de ses yeux
L’ombre lente qui fait le tour de la grand’place.

Et c’est d’abord, au jour levé,
Les trois pignons des Trois Rois Mages,
Laissant flotter leur triple image
Sur les bosses du lourd pavé.

Vers dix heures, c’est la façade ardente et belle,
Où sont sculptés des rosaces et des festons ;
Et vers midi, c’est l’ample enseigne et le fronton
Joli de la maison d’Albert et d’Isabelle.

Plus tard encore, en plein soleil,
C’est le logis du corps de garde,
Dont s’allonge la tour bâtarde
Sur le trottoir lisse et vermeil.

Et puis enfin, le soir, c’est le beffroi tragique
Qui dessine son grand profil monumental,
Barrant de l’Ouest à l’Est, ainsi qu’un bras brutal,
Le vide entier de la grand’place léthargique.

Rien n’a changé depuis des ans :
Toujours la même ombre voyage,
Au long des murs et des étages,
Et des piliers nets et luisants.

Et le même gardien, sur sa chaise trop basse,
Regarde se fermer les mêmes blancs rideaux,
Quand la même clarté des mois pâles et chauds,
De seuil en seuil, au long des heures, se déplace.

Collection: 
1933

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