Envoi du myosotis de H. Moreau

 
Sur ce livre où, versant les trésors de son âme,
Un poète a tracé de trop vrais désespoirs,
       Laissez parfois tomber, Madame,
Un rayon attendri de vos yeux beaux et noirs.

Sympathique à des chants que vous saurez entendre,
Relisez-les, ces vers de tristesse embaumés ;
       Marquez la page la plus tendre
D’une feuille, débris des fleurs que vous aimez.

Que le lilas d’avril, la blanche pâquerette,
Que le muguet d’un jour, symbole de candeur,
       Indiquent la page discrète
Où la muse a caché sa plus suave odeur.

Au charme de sa voix que votre cœur se livre ;
Si son vers vous émeut, mouillez-le de vos pleurs :
       Sur les feuillets de ce doux livre,
Douce, laissez tomber vos larmes et vos fleurs.

Des poètes éteints, invisible colombe,
L’âme n’habite point l’enclos au noir cyprès ;
       Leur luth brisé, voilà leur tombe :
C’est là qu’il faut porter nos fleurs et nos regrets !

Vers cette jeune tombe au précoce feuillage
Venez, âme charmante, âme éprise du beau !
       Et du chanteur mort avant l’âge
Visitez quelquefois l’harmonieux tombeau.

Collection: 
1835

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