En mer

 

Le ciel est pur, la vague est douce.
Ô diaphane, ô belle nuit !
Au souffle tiède qui le pousse
Notre vaisseau vogue sans bruit.

Bleu cristal que nul vent ne plisse,
Le ciel est comme un lac dormant.
Sur le saphir la lune glisse,
Nacelle de nacre et d’argent.

Au lent roulis qui nous balance,
L’équipage s’est endormi ;
Seul avec l’onde et le silence,
Seul, je veille et cause à demi.

Ici, la brise dans la voile
A des soupirs pleins de douceur ;
Là-bas, luit une large étoile,
Qui me sourit comme une sœur.

Laissant de vaporeux sillages
Dans leur course au-dessus des eaux,
Au bord du ciel de blancs nuages
Errent comme de blancs agneaux.

Le cœur plein de volupté triste,
Les yeux perdus à l’horizon,
Je songe au doux saint Jean-Baptiste,
L’enfant à la blanche toison.

Tout est repos, tout est mollesse :
Une lumineuse fraîcheur
M’enivre, me berce et me laisse
Des rêves d’ange et de blancheur.

Je sens couler en tout mon être
Un ineffable apaisement :
Du monde où nous devons renaître
N’est-ce point un pressentiment ?

Je voudrais prier pour répandre
Mon trop-plein de vague bonheur,
Mais ma voix se refuse à rendre
La paix aimante de mon cœur.

Lune, nacelle de lumière,
Toi qui passes sur mon front nu,
Porte ma muette prière
Jusqu’au trône de l’Inconnu.

Dis-lui que sur ces tièdes lames
Où vient se jouer ton rayon,
L’œil baigné de tes belles flammes,
J’ai vers toi murmuré son nom ;

Dis-lui que dans mon sein qu’oppresse
Le poids de ta sérénité,
Une âme a frémi de tendresse
Devant ta pieuse clarté ;

Dis-lui que j’aime et que j’aspire,
Dis-lui mon chaste enivrement ;
Dis… ce que l’homme ne peut dire
Ni ne peut taire entièrement !

Collection: 
1835

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