En marge de Verlaine

 

BERCÉ par la chanson troublante de Verlaine,
Qui soupire, se plaint de vivre et rit à peine,
Et désespérément, des larmes plein la voix,
Se souvient des beaux jours candides d’autrefois,
Regrette ses péchés charnels, allume un cierge,
Brûle un sonnet aux pieds de la très sainte Vierge,
Et supplie à genoux, doigts joints, la Trinité
D’exorciser son cœur par le mal habité,
Et qui, faible de chair, à la première embûche, ―
Robe pâle, dans l’ombre, ― hésite, va, trébuche

Et tombe, ― par un soir de lune merveilleux
Où montent des parfums de jardin vers les cieux ;

― Verlaine, ta chanson n’est pas toujours la bonne,
Me disais-je ; pourtant, je l’aime et j’en frissonne !
Ta Muse a passé trop de nuits aux cabarets,
Elle en a dit bien tard ses immortels regrets,
Et si le temps sur ses souillures jette un voile,
C’est que le repentir luit comme une étoile !

Collection: 
1898

More from Poet

  • Dans le vent qui les tord les érables se plaignent,
    Et j'en sais un, là-bas, dont tous les rameaux saignent !

    Il est dans la montagne, auprès d'un chêne vieux,
    Sur le bord d'un chemin sombre et silencieux.

    L'écarlate s'épand et le rubis s'écoule
    De sa large ramure...

  •  

    DANS l’océan du ciel d’avril, gonflant leurs voiles,
    Les nuages, pareils à de légers bateaux,
    Naviguent, éclatants, vers des îles d’étoiles,
    Avec la majesté des cygnes sur les eaux.

    Ils voguent, sans troubler d’un remous l’onde bleue ;
    ...

  •  

    LES Visions du soir passent, comme des vierges
    En fins souliers d’azur, en robes de lin blanc,
    Et leurs doigts délicats sont étoilés de cierges
    Dont le feu pâle est sous l’haleine vacillant.

    Les Visions du soir, cortèges angéliques,
    Chantent, dans la...

  •  

    J’IMPROVISE ces vers mystérieux pour une
    Qui rayonne de grâce et de blanche beauté,
    Dont le regard semble un crépuscule d’été
    Qui se meurt lentement par un lever de lune.

    Je ne sais pas pourquoi je lui donne ces vers.
    Je vois dans ma pensée éclore son...

  •  

    AUX feux de mon esprit qui s’allume dans l’ombre,
    Je me regarde vivre avec étonnement :
    Une fierté triomphe en ma stature sombre,
    Et je suis comme un roi promis au firmament !

    J’ai des chants de victoire au cœur, je me célèbre !
    Comme autrefois David...