Devant l’été

 
    Voici l’été… Les jours sont trop longs, mon amie,
    L’ombre tarde… On attend l’heure du grand repos,
    Des lys plus odorants, de la cloche endormie,
    De la grande fraîcheur des feuilles et des eaux.

    Je m’attriste de la clarté qui se prolonge.
    Mon cœur est l’ennemi des midis éclatants,
    Et malgré que les jours soient beaux comme un beau songe,
    Cette heure qui me plaît, je l’attends trop longtemps.

    Je le sais, le beau jour dore ta chevelure
    Large et blonde et qui se réjouit du soleil,
    Mais je préfère à tout cette tristesse pure
    Et cet ennui final qui mènent au sommeil.

    J’adore ton visage et je préfère l’ombre
    Mystérieuse où je ne puis que l’entrevoir…
    Je préfère à ton clair regard ton regard sombre.
    Belle, tu m’apparais plus belle vers le soir.

    Dans l’espoir de cette heure où tout désir s’émousse,
    Oublions la splendeur dure des jours trop longs.
    Dans le désir et le regret de la nuit douce
    Par ces longs soirs d’été trop lumineux, allons...

    Moi, je me baignerai dans cette ombre illusoire
    De tes cheveux et de tes seins et de tes bras
    En songeant à la paix, la douceur et la gloire
    D’un beau soir violet qui ne s’achève pas.

Collection: 
1897

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