Dernier Sonnet


Après les yeux, après la bouche, après l’éclat
Des cheveux, pourſuivant la grâce du poëme,
Je ne rencontrais pas une beauté ſuprême
Qu’une autre, ſans pouvoir lui nuire, n’égalât.

Mais ce ſiècle eſt menteur bien plus que délicat ;
Sa pudeur a pouſſé les feintes à l’extrême.
Voici qu’il a flétri ce dernier ſujet, même
Avant qu’un ſimple trait de plume le marquât.

Donc mon œuvre ſera par moi-même meurtrie :
Au lieu du nu superbe, un pli de draperie
Dérobera la fuite adorable des flancs.

Encore il ſe peut bien qu’un vil regard indique
Ce voile, malgré ſoi moulant les contours blancs,
Comme une invention de Vénus impudique.

Collection: 
1869

More from Poet

  • Derrière l'épaisseur lucide du carreau
    Un paysage grêle, une miniature,
    Fait voir chaque détail plus petit que nature
    Et tient entre les quatre arêtes du barreau.

    Ce transparent posé d'aplomb sur le tableau
    Montre un ciel triste encore et d'une couleur dure,
    ...

  • A Catulle mendès.

    Les Parisiens, entendus
    Aux riens charmants plus qu'au bien-être,
    Se font des jardins suspendus
    D'un simple rebord de fenêtre,

    On peut voir en toute saison
    Des fils de fer formant treillage
    Faire une fête à la maison
    De quelques...

  • À l'abri de l'hiver qui jetait vaguement
    Sa clameur, dans la chambre étroite et bien fermée
    Où mourait un bouquet fait de ta fleur aimée,
    Parmi les visions de l'étourdissement ;

    Pendant qu'avec la joie extrême d'un amant
    Je froissais d'un coeur las et d'une main...

  • Le bal allait finir. Les lustres sur les masques
    Découpaient la lumière en caprices fantasques,
    Et sur les fronts ternis montraient à vif le fard.
    L'oeil était somnambule et le rire blafard.
    La femme avait vieilli de dix ans en une heure.
    Ce n'était pas le beau...

  • Du wagon sombre où rien ne bouge, où rien ne luit,
    Las des rêves, mauvais compagnons pour la nuit,
    Le voyageur, avec le jour, cherchant l'espace,
    Salue en souriant la campagne qui passe :
    Les arbres, les moissons hautes, l'azur des prés
    Lointains, sur le penchant...