Je voudrais dans un chant mettre toute mon âme,
Le rayon du ciel bleu, le parfum des grands bois,
La force du soleil, la chaleur de la flamme,
Et toutes les beautés comme toutes les voix…
Mais il faudrait un luth aux cordes plus puissantes :
Devant ce grand désir le mien pleure attristé ;
Tel l’oiseau qui, malgré ses ailes frémissantes,
Doit s’arrêter vaincu devant l’immensité.
Il aura beau franchir les mornes étendues,
S’égarer au milieu des univers nouveaux,
Effleurer en passant les sphères suspendues
Dans l’éternelle nuit où tremblent leurs flambeaux :
Si loin qu’il puisse aller en sa course rapide,
Il ne verra jamais les bornes de l’azur ;
Jamais son vol hardi n’atteindra dans le vide
La limite inconnue où finit le ciel pur.
1er avril 1882.