Clair de lune mystique

Ce soir, an fond d'un ciel uniforme d'automne,
La lune est toute seule ainsi qu'un bâtiment
Perdu sur les déserts marins, et lentement
Vogue dans l'infini de la nuit monotone.

Ce n'est pas la clarté des monotones nuits
Brillantes d'or fluide et de brume opaline ;
Mais le ciel gris est plein de tristesse câline
Ineffablement douce aux coeurs chargés d'ennuis.

Chère, mon âme obscure est comme un ciel mystique,
Un ciel d'automne, où nul astre ne resplendit,
Et ton seul souvenir, ce soir, monte et grandit
En moi, comme une lune immense et fantastique.

Chère, nous n'avons pas été de vrais amants :
C'est par caprice et par ennui que nous nous prîmes,
Et pourtant, j'ai voulu te façonner des rimes,
Bijoux sacrés, ayant d'étranges chatoîments.

C'est qu'au fond de mon coeur mystérieux d'artiste,
Le souvenir de ton amour pâle et banal
Verse tomme le ciel en un bois automnal
Un reflet alangui de clair de lune triste.

Collection: 
1878

More from Poet

  • Maintenant j'ai revu les moissons oubliées,
    Et, dans la paix des soirs pleins de saines senteurs,
    Les rudes moissonneurs, près des gerbes liées,
    Croisant leurs bras avec des gestes de lutteurs.

    Maintenant j'ai revu les forêts et les plaines
    Et j'ai marché dans les...

  • En son manteau d'argent tissé par les prêtresses,
    La vierge s'en allait vers les jeunes cités,
    Et la nuit l'effleurait de mystiques caresses,
    Et le vent lui parlait de longues voluptés.

    Or, c'était en un siècle où les rois faisaient taire
    Les joueurs de syrinx...

  • Tu parlais de choses anciennes,
    De riches jardins somnolents
    Que de nobles musiciennes
    Troublent, le soir, d'échos dolents ;

    Et de chapelles où s'attardent
    Les princesses en oraison ;
    Et de lits féodaux que gardent
    Toutes les bêtes du blason.

    ...

  • C'est un soir calme, un soir de fête.
    En bas, dans le noir, vers Paris
    A peine encore quelque faîte
    D'église perce le soir gris.

    Puis les ombres amoncelées
    Submergent les derniers clochers,
    Et je pense aux mers contemplées
    Autrefois du haut des rochers...

  • Cette nuit, au-dessus des quais silencieux,
    Plane un calme lugubre et glacial d'automne.
    Nul vent. Les becs de gaz en file monotone
    Luisent au fond de leur halo, comme des yeux.

    Et, dans l'air ouaté de brume, nos voix sourdes
    Ont le son des échos qui se meurent,...