Ô vin splendide et salutaire,
Reine suave des boissons,
Délicate fleur de la terre
Fleuris toujours dans mes chansons.
Vin rieur qui ris dans les verres
Avec tes bons yeux de velours
Tu dérides les plus sévères
Et tu dégourdis les plus lourds.
Ô vin plus frais que les grenades
Et plus pimpant que le printemps
Puissant réconfort des malades
Et remède des bien portants ;
Frivole muse des poètes,
Verve suprême des vieillards,
Tu fais pépier dans leurs têtes
De petits oiseaux babillards ;
Tu rends la femme moins farouche
Vin de tendresse et de gaîté,
Et tu mets au coin de sa bouche
Une lueur de volupté.
Quant à moi, je t’aime avec rage
Ô mon doux soleil automnal,
Couleur de force et de courage
Chaud tout ensemble et virginal.
Que de fois les soucis, les fièvres,
Les chagrins, les pensers mauvais
Ont fui de moi comme des lièvres
À l’instant que je te buvais.
N’es-tu pas la belle semence
Qui toujours lève ? Est-ce pas toi
Par qui la rose de clémence
S’épanouit au cœur d’un roi ?
N’est-ce pas toi, vin pitoyable
Qui mets un rayon de soleil
Dans le cerveau du pauvre diable
Pour qui tout est nuit et sommeil.
Je te bois, vin de Sapience !
Et voici mon maître aux abois :
Tu m’infuses toute science,
Quand je te bois, quand je te bois.
Tu me plains et tu me consoles,
Tu me persuades le bien,
Tu me dis de bonnes paroles
Tout bas comme un ange gardien.
Quand je te bois, vin admirable !
Tout me ravit, flatte mes yeux,
Je trouve tout le monde aimable
N’importe quoi délicieux.
Toutes choses me semblent claires,
Vin véridique et triomphant ;
Et tu dissipes mes colères
Avec un sourire d’enfant.
J’ai l’illusion d’être juste
Et bon, innocent comme un nid,
Il me semble qu’un geste auguste
Sur mon front plane et me bénit.
La vie en moi se renouvelle
La grâce entre par mon gosier ;
Mon sang fait le beau, ma cervelle
Devient souple comme l’osier.
Tous mes sens crient à ton passage,
Je vibre du crâne au talon :
Pour te savourer davantage
Que n’ai-je un cou trois fois plus long.