Chant de Cymodocée

Légers vaisseaux de l'Ausonie
Glissez sur le cristal des mers ;
Doux zéphyrs, vers la Messénie,
Guidez ma voile dans les airs...
Près d'un époux et près d'un père,
Objets de vœux longtemps déçus,
Ramenez la fille d'Homère
Aux bords heureux du Pamisus !...

Blancs oiseaux dont le cou flexible
Se courbe en gracieux contours,
Qui fendez d'une aile paisible
L'azur rayonnant des beaux jours,
Volez au sommet de l'Ithome
Et dites à ses verts lauriers
Qu'un Dieu me ramène de Rome
Sous leurs dômes hospitaliers !

Quand retrouverai-je la couche
Où se berçait mon pur sommeil
Et ces gazons en fleurs que touche
Du printemps le sceptre vermeil !
Lieux charmants que de son haleine
Embellit l'aimable pudeur,
Retraite adorée encor pleine
De souvenirs de mon bonheur !...

Telle qu'au sein de la prairie
Bondit gaîment près des bergers
La tendre génisse nourrie
Aux sons des chalumeaux légers,
Ainsi j'étais heureuse et fière ;
Aujourd'hui parmi les regrets
Je languis triste et prisonnière
Sur le lit glacé de Cérès !...

Mais, hélas ! d'où vient que ma lyre
Rend de si douloureux accords ?...
Je veux chanter... Ma voix soupire,
Pareille à la flûte des morts...
Pourtant une aube fortunée
Doit se lever sur mon destin
Et de la robe d'hyménée
Les chastes plis couvrent mon sein...

De la tendresse maternelle,
Mon cœur sentira les élans ;
Bientôt je verrai, sous mon aile,
Mon fils former ses pas tremblants.
Frêle oiseau ! Que jamais sa vie
Ne connaisse l'exil cruel,
Comme moi, colombe ravie
Aux douceurs du nid paternel !...

Que ne puis-je suivre les traces
De mon père et de mon époux !...
Ah ! si j'implorais à genoux
Le chœur des Muses et des Grâces...
Mais non, j'outragerais les droits
D'un Dieu que je connais à peine :
Adorons sa loi souveraine,
Et reposons-nous sur la croix !

Collection: 
1897

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