Chanson de Mai

 
La nature d’un vert manteau
Couvre l’épaule des collines,
Le vent de mai sur le coteau
Se joue au front des aubépines,
L’agneau bondit sur le gazon,
La fauvette au bord du buisson
Chante au soleil sa mélodie ;
Mais pour moi triste est sa chanson :
Je suis seul à l’entendre, — hélas ! Elle est partie.

La violette aux yeux d’azur
Sourit dans l’herbe aux marguerites,
Sur le chaume, aux flancs du vieux mur,
Tremblent au vent les clématites,
Sur la robe verte des prés
Boutons d’or et pavots pourprés
Balancent leur tête fleurie ;
Mais, ô fleurs ! ô champs diaprés !
Vous ne m’êtes plus rien, — hélas ! Elle est partie.

Du jour saluant les lueurs,
Toi qui dans la nuit irisée
T’élances des grands blés en fleurs,
L’aile brillante de rosée,
Joyeux poète de l’été,
Ta voix vibrant dans la clarté
Fait plus sombre ma rêverie ;
Prends pitié d’un cœur attristé,
Tais-toi ! vive alouette, — hélas ! Elle est partie.

Elle est partie, et pour toujours :
O désespoir ! ô solitude !
Fuyez, printemps! Mourez, beaux jours !
Toi, reviens, saison froide et rude !
Vents plaintifs, bruits des bois glacés,
Voix de nos rêves dispersés,
Bercez mon âme endolorie !
Adieu, soleil des jours passés !
Salut, hiver lugubre ! — hélas ! Elle est partie.

Collection: 
1835

More from Poet

  •  
    Puisque en tes jours bénis de gloire et de puissance,
    Du pauvre jusqu’à toi franchissant la distance,
    Tu l’aidas de sa croix à porter le fardeau ;
    Et que, sourd aux instincts d’une opulence avare,
    Toi, prince, tu couvris les membres de Lazare
           Des plis...

  •  
    LA MÈRE

    Pourquoi jeter ta voix si paisible et si douce
    A travers ces rumeurs d'un siècle aux fortes voix ?
    Ami, crois-moi, résiste au démon qui te pousse ;
    Laisse tes faibles chants, comme l'eau sur la mousse
    Laisse tes chants couler à l'ombre de nos...

  •  
    La vipère du mal a mordu ta pensée,
    Poète, et dans ton sein la colombe blessée
    Palpite. Apaise-toi ; ferme ton noble cœur
    Aux stériles conseils d’une aveugle douleur.
    Souffre ; laisse venir les heures vengeresses.
    Mais pour le Mal alors plus de pitiés...

  •  
    Marie, ô douce enfant aux grands yeux de gazelle,
    Qui naquis sur un sol où croissent les palmiers ;
    Toi dont l’âme charmante et les songes premiers
    Se sont ouverts, bercés à la voix fraternelle
             Des bengalis et des ramiers !

    O douce enfant ! ta vie...

  •  
    Loin d’ici veux-tu fuir ? pauvre couple enchaîné,
    Veux-tu nous envoler vers l’île où je suis né ?
    Je suis las de contrainte et de ruse et d’entrave.
    Le ciel ne m’a point fait avec un cœur d’esclave !
    Me cacher pour te voir, pour t’aimer, ô tourment !
    Je veux...