Chaînes

 
L’aigle, malgré l’ardeur qui fait mouvoir son aile,
N’atteint pas le soleil que cherche sa prunelle,
Et l’astre d’or s’en va dans l’abîme inconnu,
Comme un roi qui descend les marches de son trône,
Le front ceint d’une immense et superbe couronne,
Avant que jusqu’à lui l’oiseau soit parvenu.

Il a dû s’arrêter dans cette course altière,
A l’heure où, s’enivrant d’espace et de lumière,
Il montait en planant dans les champs de l’azur ;

A l’heure où, débordant d’une joie inconnue,
En se voyant tout seul au milieu de la nue,
Il se croyait déjà le maître du ciel pur.

Il n’a pu s’affranchir à jamais de la terre ;
Sur un rocher lointain, abrupt et solitaire,
Ses aiglons affamés suivent dans l’infini
Son vol audacieux qui dans l’air se balance ;
Mais, si loin qu’il puisse être, au milieu du silence,
L’aigle croit les entendre et revient à son nid.

C’est ainsi que parfois l’âme humaine s’élève
Et s’en va dans le ciel sur les ailes du rêve :
Elle a soif d’inconnu, d’azur, d’immensité ;
Mais sitôt qu’elle a fuit les chaînes de la vie,
Le souci, noir aiglon dont elle est poursuivie,
La force à revenir dans la réalité.

6 mars 1882.

Collection: 
1886

More from Poet

(extrait)

... Et sais-tu que toi-même aussi, nocturne reine,
Tu cesseras un jour de briller dans les cieux ?
Tu mourras comme doit mourir la race humaine,
Et l'ombre habitera les airs silencieux.

De toutes tes splendeurs, de tes beautés divines,
De ce...

... Et sais-tu que toi-même aussi, nocturne reine,
Tu cesseras un jour de briller dans les cieux ?
Tu mourras comme doit mourir la race humaine,
Et l'ombre habitera les airs silencieux.

 
Heureux le paysan à l’existence austère,
Qui vit dans sa chaumière et cultive ses prés,
Qui jette avec espoir la semence en la terre
Et recueille la gerbe et les épis dorés.

Il sait qu’il ne dépend ici-bas de personne :
La pluie et le soleil lui sont donnés...

 
L’autre jour, par hasard, en ouvrant la gazette,
Mes regards sont tombés sur ces mots : « La Jeannette. »
La Jeannette !… Et longtemps je suis resté songeur,
L’œil perdu dans le vague et la tristesse au cœur.
Mon esprit, emporté loin des lieux où...

 
Mavali le puissant repose en son palais.
C’est midi, le soleil jette de chauds reflets
A travers les plis lourds des tentures bien closes.
Une grande torpeur saisit hommes et choses.
Dans la salle où le roi négligemment s’endort,
Douze esclaves, liés avec...