Une femme mystérieuse,
Dont la beauté trouble mes sens,
Se tient debout, silencieuse,
Au bord des flots retentissants.
Ses yeux, où le ciel se reflète,
Mêlent à leur azur amer,
Qu’étoile une humide paillette,
Les teintes glauques de la mer.
Dans les langueurs de leurs prunelles,
Une grâce triste sourit ;
Les pleurs mouillent les étincelles
Et la lumière s’attendrit ;
Et leurs cils, comme des mouettes
Qui rasent le flot aplani,
Palpitent, ailes inquiètes,
Sur leur azur indéfini.
Comme dans l’eau bleue et profonde
Où dort plus d’un trésor coulé,
On y découvre à travers l’onde
La coupe du roi de Thulé.
Sous leur transparence verdâtre
Brille, parmi le goëmon,
L’autre perle de Cléopâtre
Près de l’anneau de Salomon.
La couronne au gouffre lancée
Dans la ballade de Schiller,
Sans qu’un plongeur l’ait ramassée,
Y jette encor son reflet clair.
Un pouvoir magique m’entraîne
Vers l’abîme de ce regard,
Comme au sein des eaux la sirène
Attirait Harald Harfagar.
Mon âme, avec la violence
D’un irrésistible désir,
Au milieu du gouffre s’élance
Vers l’ombre impossible à saisir.
Montrant son sein, cachant sa queue,
La sirène amoureusement
Fait ondoyer sa blancheur bleue
Sous l’émail vert du flot dormant.
L’eau s’enfle comme une poitrine
Aux soupirs de la passion ;
Le vent, dans sa conque marine,
Murmure une incantation.
« Oh ! viens dans ma couche de nacre,
Mes bras d’onde t’enlaceront ;
Les flots, perdant leur saveur âcre,
Sur ta bouche en miel couleront.
« Laissant bruire sur nos têtes
La mer qui ne peut s’apaiser,
Nous boirons l’oubli des tempêtes
Dans la coupe de mon baiser. »
Ainsi parle la voix humide
De ce regard céruléen,
Et mon cœur sous l’onde perfide
Se noie et consomme l’hymen.