Autre inscription

 
Crois-moi. N’emprunte rien des hommes. Que tes yeux
Ne le conduisent point sur leur pas anxieux.
N’asservis pas ta faim à la faim d’autres bouches.
Au contraire, sois libre et, s’il le faut, farouche ;
Et plutôt mords ton poing et frappe du talon,
Pour les mieux éloigner, ceux qui te parleront,
Puis, quand tu seras seul, regarde, écoute et veille.
Si le vent passe auprès de toi, prête l’oreille,
Car il sait les secrets de la nuit et du jour.
Marche ou trébuche, tombe ou rampe, monte ou cours
Ou reste là ; l’aurore est pareille à l’aurore,
Ici ou là. Partout, sa graine fait éclore

Une semblable fleur à celle que tu tiens ;
L’odeur qu’elle répand en parfums te revient
Dans l’air qui l’emporta et qui te le rapporte ;
Demeure ou pars, attends ou cherche, va, qu’importe !
Ou remonte le fleuve, ou prends la route, ou suis
D’autres chemins. L’écho garde tes pas en lui
Comme pour te prouver, rétrograde et contraire,
Que ta marche est inverse et retourne en arrière.
Demeure donc. Pourquoi partir ? Est-ce que l’eau
N’est pas la même au fleuve et la même au ruisseau,
Qu’elle gronde ou murmure et que, rapide ou lente,
Étroite ou large, elle bifurque, aille ou serpente ?
Si la Mer est trop loin écoute la Forêt.
Sois attentif, sois docile et surtout sois prêt
A saisir la rumeur vivante éparse en elle
Et, debout, sens en toi la force universelle
Sourdre, croître, grandir et monter à son but
En ta stature d’homme ainsi qu’en l’arbre nu.

Collection: 
1884

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