Anthologie des poètes français du XIXème siècle/1887/Le Moulin


Cest par eau qu’il faut y venir.
La berge a peine à contenir
Le fouillis d’herbes et de branches,
Ce monde petit et charmant,
La grande roue en mouvement,
Les vannes et leurs ponts de planches.

Un bruit frais d’écluses et d’eau
Monte derrière le rideau
De la ramure ensoleillée.
Quand on approche, il est plus clair ;
Le barrage jette dans l’air
Comme une odeur vive et mouillée.

 

Pour arriver jusqu’à la cour,
On passe, chacun à son tour,
Par le moulin plein de farine,
Où la mouture en s’envolant,
Blanche et qui sent le bon pain blanc,
Réjouit l’œil et la narine.

Voici la ferme ; entrons un peu.
Dans l’âtre on voit flamber le feu
Sur les hauts chenets de cuisine.
La flamme embaume le sapin ;
La huche de chêne a du pain,
La jatte de lait est voisine.

Oh ! le bon pain et le bon lait !
Juste le repas qu’on voulait ;
On boit, sans nappe sur la table,
Au tic-tac joyeux du moulin,
Parmi les bêtes, dans l’air plein
De l’odeur saine de l’étable.

Lorsque vous passerez par là,
Entrez dans le moulin. Il a
Des horizons pleins de surprises,
Un grand air d’aise et de bonté,
Et contre la chaleur d’été
De la piquette et des cerises.

Collection: 
1887

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