Ô Carême ! du haut du Ciel,
Ta demeure dernière,
Brillat-Savarin ! toi, Vatel !
Et vous aussi, mon colonel,
Grimod de la Reynière ;
Vous tous, fins gourmets, nos aïeux,
À la gueule friande !
Que pensez-vous de ce houilleux
Aliment, tant plus merveilleux
Qu’il rappelle la viande ?
Et d’aucuns s’en vont proclamant
Ta faillite, ô Science !
En leur stupide aveuglement,
Quand c’est d’aujourd’hui seulement
Que ton règne commence !
*
* *
Quoi qu’il en soit, si le charbon
Devient, dans la marmite,
Un régal infiniment bon,
Demain, les mines de jambon
Ne seront plus un mythe…
Avant tout cet aliment doit
Être une économie
Pour les petites gens. Sans quoi,
On se demanderait pourquoi
Cette absurde chimie ?
Il faut qu’en son humble foyer,
Un pauvre diable puisse
D’un peu de houille festoyer,
Sans en avoir guère à payer
Que le sel et l’épice.
Mais si cette houille prévaut,
En tant que comestible,
Sur les bœufs, les moutons, les veaux
Elle atteindra des prix nouveaux,
En tant que combustible ?…
Cependant que moutons et bœufs
Encombreront la Sphère,
Pulluleront es prés herbeux,
Si bien que nos petits-neveux
Ne sauront plus qu’en faire.
Dans ce cas-là, qu’adviendra-t-il ?…
De toutes ces pécores ?
Eh bien, un chimiste subtil
Viendra, de chez nous, du Brésil…
Ou de Bochie encore,
Qui traitera, dans son humour,
Son confrère d’andouille,
Et qui, par un juste retour,
De ces bœufs et veaux, à son tour,
Extraira de la houille !