Évocations (Vivien)/Velléda

Son pas a la douceur des brises sous les branches,
Et les perles du gui, les violettes blanches
Parent suavement ses cheveux aux blonds verts.

Les roses, découvrant leurs rires entr’ouverts,
Effleurent Velléda, la jeune Druidesse.

Les chênes éternels, dont elle est la Prêtresse,
Lui dirent autrefois, d’un murmure lassé,
Ce qu’ils ont recueilli de l’ombre et du passé.

La sagesse et la paix des arbres sont en elle.
L’hiver l’ensevelit, l’été la renouvelle.

Vierge, elle aime d’amour la neige sur les bois,
Et le chant des oiseaux ruisselle dans sa voix.
Ses yeux verts ont gardé la fraîcheur des feuillages.

Sa grave solitude ignore les visages.
Les arbres seuls ont appris ses rêves fervents.

Par les terribles nuits où s’acharnent les vents,
Son être se déchire en des clameurs hautaines,
Tordu comme le corps tourmenté des grands chênes
Que brise aveuglément le souffle des hivers,
Et ses regards d’effroi reflètent les éclairs.
D’incohérents sanglots et d’étranges paroles
Se heurtent, sourdement, entre ses lèvres folles,
Les cris de l’ouragan se mêlent à ses cris.

La foule écoute, avec des regards assombris,
La pâle Prophétesse aux colères divines.

La Prophétesse voit des meurtres, des ruines,
Dans le sang de l’automne et la pourpre du soir,
Des empires brisés, des temples sans espoir,
Des fuites de vaincus au profond des vallées,
Et des voiles de deuil de femmes exilées.
Sa chair froide est en proie aux livides sueurs…

À l’aube de sa mort, d’incertaines lueurs
De soleil brilleront sur l’immense détresse
De la forêt et sur la blême Druidesse,
Ceinte de lys des bois que l’orage a broyés,
Expirante, parmi les chênes foudroyés.

Collection: 
1903

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