Évocations (Vivien)/Les Revenants

Dans les miroirs j’ai vu des reflets de visages,
Un vent mystérieux a gonflé les rideaux,
Le soir frémit encor de tragiques passages,
L’horreur de l’Invisible a pénétré mes os.

La mémoire de l’ombre évoque une Étranglée
Aux yeux d’effroi, qui porte, ainsi que des rougeurs
De baisers trop fervents sur la chair martelée,
L’empreinte sans pitié de cruels doigts vengeurs.

Une Noyée attend le reflux, et j’écoute,
Tandis que se prolonge un patient travail
De remous, l’eau de mer qui pleure goutte à goutte
De ses cheveux mêlés d’écume et de corail.

Oh ! la beauté funèbre aux visages des Mortes !
Elles glissent, ainsi qu’un rayon nébuleux,
Sous leurs voiles légers, laissant au seuil des portes
D’irréelles lueurs de clairs de lune bleus.

L’heure des Revenants fait tressaillir les cloches.
Ils songent tristement, leurs sanglots ont le bruit
D’une vague tardive expirant sur les roches.
Ils souffrent de passer inconnus dans la nuit.

Leurs impuissantes mains ont de vaines caresses.
À travers l’Autrefois, ils reviennent, liés
Par le ressouvenir des anciennes tendresses,
Et frôlent les vivants qui les ont oubliés.

Collection: 
1903

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À Madame L.D. M...

Le soir s'est refermé, telle une sombre porte,
Sur mes ravissements, sur mes élans d'hier...
Je t'évoque, ô splendide ! ô fille de la mer !
Et je viens te pleurer comme on pleure une morte.

L'air des bleus horizons ne gonfle plus tes seins,...

Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
Et c'est l'heure troublée où dansent les Bacchantes
Parmi l'accablement des rythmes alanguis.

Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
Leurs pieds vifs sont légers...

Le soir était plus doux que l'ombre d'une fleur.
J'entrai dans l'ombre ainsi qu'en un parfait asile.
La voix, récompensant mon attente docile,
Me chuchota: "Vois le palais de la douleur".

Mes yeux las s'enchantaient du violet, couleur
Unique car le noir dominait....

Le soir, ouvrant au vent ses ailes de phalène,
Évoque un souvenir fragilement rosé,
Le souvenir, touchant comme un Saxe brisé,
De ta naïveté fraîche de porcelaine.

Notre chambre d'hier, où meurt la marjolaine,
N'aura plus ton regard plein de ciel ardoisé,
Ni...

Ô Sommeil, ô Mort tiède, ô musique muette !
Ton visage s'incline éternellement las,
Et le songe fleurit à l'ombre de tes pas,
Ainsi qu'une nocturne et sombre violette.

Les parfums affaiblis et les astres décrus
Revivent dans tes mains aux pâles transparences
...