Évocations (Vivien)/La Satyresse

O vierges qui goûtez la fraîcheur des fontaines,
Êtres de solitude avides d’infini,
Fuyez la Satyresse aux prunelles hautaines,
Au regard que l’éclat du soleil a terni.
Sa fauve chevelure est semblable aux crinières
Et son pas est le pas nocturne des lions.
Sa couche a le parfum du thym et des bruyères.

Elle veut l’heure intense où sombrent les rayons :
C’est l’heure qu’elle attend pour emporter sa proie,
Les seins inviolés, les fronts et les yeux purs,
Qu’elle aime et qu’elle immole à l’excès de sa joie,
Qu’elle imprègne à jamais de ses désirs obscurs.
Son passage flétrit la fraîcheur des fontaines,
Son haleine corrompt les songes d’infini,
Et verse le regret des luxures hautaines
Au rêve que l’odeur des baisers a terni.

Collection: 
1903

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À Madame L.D. M...

Le soir s'est refermé, telle une sombre porte,
Sur mes ravissements, sur mes élans d'hier...
Je t'évoque, ô splendide ! ô fille de la mer !
Et je viens te pleurer comme on pleure une morte.

L'air des bleus horizons ne gonfle plus tes seins,...

Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
Et c'est l'heure troublée où dansent les Bacchantes
Parmi l'accablement des rythmes alanguis.

Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
Leurs pieds vifs sont légers...

Le soir était plus doux que l'ombre d'une fleur.
J'entrai dans l'ombre ainsi qu'en un parfait asile.
La voix, récompensant mon attente docile,
Me chuchota: "Vois le palais de la douleur".

Mes yeux las s'enchantaient du violet, couleur
Unique car le noir dominait....

Le soir, ouvrant au vent ses ailes de phalène,
Évoque un souvenir fragilement rosé,
Le souvenir, touchant comme un Saxe brisé,
De ta naïveté fraîche de porcelaine.

Notre chambre d'hier, où meurt la marjolaine,
N'aura plus ton regard plein de ciel ardoisé,
Ni...

Ô Sommeil, ô Mort tiède, ô musique muette !
Ton visage s'incline éternellement las,
Et le songe fleurit à l'ombre de tes pas,
Ainsi qu'une nocturne et sombre violette.

Les parfums affaiblis et les astres décrus
Revivent dans tes mains aux pâles transparences
...