Évocations (Vivien)/Gorgô

Pourquoi revenir, les paupières avides,
Tournant vers mon seuil tes pas irrésolus ?
Pourquoi m’implorer, Gorgô ? J’ai les mains vides
Et je n’aime plus.

Je n’ai plus de chants, ni d’amour ni de haine,
Je n’ai plus de fleurs à semer sous tes pas,
Et j’entends l’appel de ta douleur lointaine
Sans ouvrir les bras.

Tes yeux étaient verts comme l’eau de l’Egée,
J’ai chanté le pli de tes lèvres, jadis…
D’où vient qu’aujourd’hui tu m’apparais changée,
Moins belle qu’Atthis ?

Telle une Bacchante aux lendemains d’orgie,
Gorgô, je suis lasse à la lueur du jour.
Je cherche l’ombre où l’âme se réfugie,
Sans désir d’amour.

Collection: 
1903

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À Madame L.D. M...

Le soir s'est refermé, telle une sombre porte,
Sur mes ravissements, sur mes élans d'hier...
Je t'évoque, ô splendide ! ô fille de la mer !
Et je viens te pleurer comme on pleure une morte.

L'air des bleus horizons ne gonfle plus tes seins,...

Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
Et c'est l'heure troublée où dansent les Bacchantes
Parmi l'accablement des rythmes alanguis.

Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
Leurs pieds vifs sont légers...

Le soir était plus doux que l'ombre d'une fleur.
J'entrai dans l'ombre ainsi qu'en un parfait asile.
La voix, récompensant mon attente docile,
Me chuchota: "Vois le palais de la douleur".

Mes yeux las s'enchantaient du violet, couleur
Unique car le noir dominait....

Le soir, ouvrant au vent ses ailes de phalène,
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Ni...

Ô Sommeil, ô Mort tiède, ô musique muette !
Ton visage s'incline éternellement las,
Et le songe fleurit à l'ombre de tes pas,
Ainsi qu'une nocturne et sombre violette.

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...