Évocations (Vivien)/À la Sorcière

Le réveil vient troubler la paix de tes paupières.
La luciole au loin a fleuri de lumières
Les prés, et l’asphodèle a des souffles d’amour.
La nuit vient : hâte-toi, mon étrange compagne,
Car la lune a verdi le bleu de la montagne,
Car la nuit est à nous comme à d’autres le jour.

Je n’entends, au milieu des forêts taciturnes,
Que le bruit de ta robe et des ailes nocturnes,
Et la fleur d’aconit déclose sous tes pas.
Exhale ses parfums de poison et d’ivresse.
Tes cheveux dénoués te font, ô ma Maîtresse !
Une pourpre de sang que les reines n’ont pas.

Et puisque mon Désir te guette et veut sa proie,
Que ton sanglot réponde à mes larmes de joie !
Les yeux d’or des hiboux sont pareils à tes yeux
Qui sondent les esprits, qui scrutent les ténèbres,
Qui voient dans l’avenir les aurores funèbres,
Et l’ombre de la mort sur la couche des Dieux.

Collection: 
1903

More from Poet

  • À Madame L.D. M...

    Le soir s'est refermé, telle une sombre porte,
    Sur mes ravissements, sur mes élans d'hier...
    Je t'évoque, ô splendide ! ô fille de la mer !
    Et je viens te pleurer comme on pleure une morte.

    L'air des bleus horizons ne gonfle plus tes seins,...

  • Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
    Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
    Et c'est l'heure troublée où dansent les Bacchantes
    Parmi l'accablement des rythmes alanguis.

    Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
    Leurs pieds vifs sont légers...

  • Le soir était plus doux que l'ombre d'une fleur.
    J'entrai dans l'ombre ainsi qu'en un parfait asile.
    La voix, récompensant mon attente docile,
    Me chuchota: "Vois le palais de la douleur".

    Mes yeux las s'enchantaient du violet, couleur
    Unique car le noir dominait....

  • Le soir, ouvrant au vent ses ailes de phalène,
    Évoque un souvenir fragilement rosé,
    Le souvenir, touchant comme un Saxe brisé,
    De ta naïveté fraîche de porcelaine.

    Notre chambre d'hier, où meurt la marjolaine,
    N'aura plus ton regard plein de ciel ardoisé,
    Ni...

  • Ô Sommeil, ô Mort tiède, ô musique muette !
    Ton visage s'incline éternellement las,
    Et le songe fleurit à l'ombre de tes pas,
    Ainsi qu'une nocturne et sombre violette.

    Les parfums affaiblis et les astres décrus
    Revivent dans tes mains aux pâles transparences
    ...