Études et préludes (1909)/À la Femme aimée

 
        Lorsque tu vins, à pas réfléchis, dans la brume,
        Le ciel mêlait aux ors le cristal et l’airain.
        Ton corps se devinait, ondoiement incertain,
        Plus souple que la vague et plus frais que l’écume.
        Le soir d’été semblait un rêve oriental
                                De rose et de santal.

        Je tremblais. De longs lys religieux et blêmes
        Se mouraient dans tes mains, comme des cierges froids.
        Leurs parfums expirants s’échappaient de tes doigts
        En le souffle pâmé des angoisses suprêmes.
        De tes clairs vêtements s’exhalaient tour à tour
                                L’agonie et l’amour.

        Je sentis frissonner sur mes lèvres muettes
        La douceur et l’effroi de ton premier baiser.
        Sous tes pas, j’entendis les lyres se briser
        En criant vers le ciel l’ennui fier des poètes
        Parmi des flots de sons languissamment décrus,
                                Blonde, tu m’apparus.

        Et l’esprit assoiffé d’éternel, d’impossible,
        D’infini, je voulus moduler largement
        Un hymne de magie et d’émerveillement.
        Mais la strophe monta bégayante et pénible,
        Reflet naïf, écho puéril, vol heurté,
                                Vers ta Divinité.

Collection: 
1897

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