Études et préludes (1909)/À l’Amie

 
        Dans tes yeux les clartés trop brutales s’émoussent.
        Ton front lisse, pareil à l’éclatant vélin
        Que l’écarlate et l’or de l’image éclaboussent,
        Brûle de reflets roux ton regard opalin.
        Ton visage a pour moi le charme des fleurs mortes,
        Et le souffle appauvri des lys que tu m’apportes
        Monte vers les langueurs du soleil au déclin.

        Fuyons, Sérénité de mes heures meurtries,
        Au fond du crépuscule infructueux et las.
        Dans l’enveloppement des vapeurs attendries,
        Dans le soir fraternel, je te dirai très bas
        Ce que fut la beauté de la Maîtresse unique…
        Ah ! cet âpre parfum, cette amère musique
        Des bonheurs accablés qui ne reviendront pas !

        Ainsi nous troublerons longtemps la paix des cendres.
        Je te dirai des mots de passion, et toi,
        Le rêve ailleurs et les yeux lointainement tendres,
        Tu suivras ton passé de souffrance et d’effroi.
        Ta voix aura le chant des lentes litanies
        Où sanglote l’écho des plaintes infinies,
        Et ton âme, l’essor douloureux de la Foi.

Collection: 
1897

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