À un solitaire

 
Pourquoi dans ta douleur croissante
Nous fuir sans cesse et t’enfermer ?
Ton cœur d’où la joie est absente,
Poète, a-t-il cessé d’aimer ?

L’arbre de tes belles années
N’a point connu les durs hivers ;
Pourquoi donc ces feuilles fanées
Au lieu de rameaux frais et verts ?

Le printemps fuit avec vitesse ;
Les jours froids assez tôt viendront.
Des pâles fleurs de la tristesse,
Crois-moi, ne charge point ton front.

Poète, il faut aimer et vivre,
Et surtout il faut espérer.
Devant ce ciel qui les enivre,
Nos yeux sont-ils faits pour pleurer ?

Pour qui sait voir de haut les choses
La vie a de charmants côtés.
Dans leur saison cueillons les roses,
Cueillons les rapides étés !

Laissons à la morne vieillesse
Les pensers noirs, les soins rongeurs.
La joie est sœur de la jeunesse :
Pourquoi donc lui fermer nos cœurs ?

Plaignons la jeune créature
Qui pâlit dans l’austérité.
Toute forte et belle nature
Sourit à la belle gaîté.

Je hais le songeur solitaire
Qui vit de rêve et mécontent.
Le plus doux rêve sur la terre,
Pour moi, c’est un front éclatant.

Crois-moi, fuis les songes moroses !
Des lourdes nuits fuis le sommeil !
Vivent les rires et les roses !
Vivent le vin et le soleil !

Viens avec nous fêter la vie !
La vie a de charmants côtés.
Le temps passe, fou qui l’oublie !
Cueillons nos rapides étés !

Collection: 
1835

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