À mon frère

 
L’Océan à mes pieds déroulant l’étendue,
Dans l’ambiant azur la lune suspendue
Répandant sur les flots sa tremblante clarté,
Contre les rochers noirs la houle bondissante,
Dans l’infini de l’air une ombre blanchissante
       Flottant sous un ciel argenté ;

Sur le sable amolli par les baisers de l’onde
Les lames déployant leur nappe vagabonde,
Dans l’éther étoilé les lueurs de la nuit,
L’horizon se fondant sous de bleuâtres brumes,
Et sur la grève au loin la ceinture d’écumes
Que roule en gémissant la vague qui s’enfuit ;

L’oiseau pêcheur des nuits de son vol taciturne
Fendant les airs blanchis par le globe nocturne,
Comme un esprit des eaux rasant le sein des mers ;
Et les brises du soir se jouant sur les vagues,
Tout éveille en mon cœur des rêves doux et vagues
       Que j’aime à traduire en mes vers.

Je veux couler ainsi mes jours dans le silence.
Ne me reproche plus ma songeuse indolence :
Que pourrais-tu m’offrir pour ces rêves du cœur ?
Dans nos sentiers déserts que crains-tu pour ma vie ?
L’abeille seule y vient ; la guêpe de l’envie
Porte ailleurs sa morsure au fiel empoisonneur.

Sous les rocs tortueux, dans les gorges profondes,
Quand un fleuve en grondant fait bouillonner ses ondes
Et verse avec ses flots l’épouvante et l’horreur,
La foule sur ses bords, dans sa stupeur craintive,
L’entend sous les rochers rouler une eau captive
       Et le contemple avec terreur.

Mais le ruisseau glissant à l’ombre d’une rose,
Coule en baisant la fleur que sa belle onde arrose,
Et de son bruit léger ne charme sur ses bords
Que l’oiseau reposant sous un dais de verdure,
Ou la Muse pensive écoutant son murmure
Et, les yeux sur le ciel, méditant des accords.

Collection: 
1835

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