À mon Démon familier

 
    Toi qui hantes mes nuits cruelles, ô Démon !
    Qui vient ouvrir sur moi tes prunelles hagardes
    Et qui te tiens debout dans la chambre et regardes,
    Emporte-moi sur tes ailes de goémon !

    Tu règnes sur mon cœur implacable et suprême !
    Que le vent de la mer nous emporte tous deux
    Dans le divin mépris des courants hasardeux,
    O toi que je redoute et cherche, ô Toi que j’aime !…

    Les peuples sont petits et laids. Allons loin d’eux,
    De leurs propos mesquins, de leurs cœurs infidèles.
    Envolons-nous au bruit puissant des larges ailes
    Que tu sais déployer dans le vent orageux !

    Malgré le temps mauvais, debout dans la défaite,
    Me voici faisant face à l’orage, à la mer…
    O mon Démon, accours à ma voix, comme hier,
    Et reconnais en moi ton Maître le Poète !…

Collection: 
1897

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