À mon Démon familier

 
    Toi qui hantes mes nuits cruelles, ô Démon !
    Qui vient ouvrir sur moi tes prunelles hagardes
    Et qui te tiens debout dans la chambre et regardes,
    Emporte-moi sur tes ailes de goémon !

    Tu règnes sur mon cœur implacable et suprême !
    Que le vent de la mer nous emporte tous deux
    Dans le divin mépris des courants hasardeux,
    O toi que je redoute et cherche, ô Toi que j’aime !…

    Les peuples sont petits et laids. Allons loin d’eux,
    De leurs propos mesquins, de leurs cœurs infidèles.
    Envolons-nous au bruit puissant des larges ailes
    Que tu sais déployer dans le vent orageux !

    Malgré le temps mauvais, debout dans la défaite,
    Me voici faisant face à l’orage, à la mer…
    O mon Démon, accours à ma voix, comme hier,
    Et reconnais en moi ton Maître le Poète !…

Collection: 
1897

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À Madame L.D. M...

Le soir s'est refermé, telle une sombre porte,
Sur mes ravissements, sur mes élans d'hier...
Je t'évoque, ô splendide ! ô fille de la mer !
Et je viens te pleurer comme on pleure une morte.

L'air des bleus horizons ne gonfle plus tes seins,...

Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
Et c'est l'heure troublée où dansent les Bacchantes
Parmi l'accablement des rythmes alanguis.

Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
Leurs pieds vifs sont légers...

Le soir était plus doux que l'ombre d'une fleur.
J'entrai dans l'ombre ainsi qu'en un parfait asile.
La voix, récompensant mon attente docile,
Me chuchota: "Vois le palais de la douleur".

Mes yeux las s'enchantaient du violet, couleur
Unique car le noir dominait....

Le soir, ouvrant au vent ses ailes de phalène,
Évoque un souvenir fragilement rosé,
Le souvenir, touchant comme un Saxe brisé,
De ta naïveté fraîche de porcelaine.

Notre chambre d'hier, où meurt la marjolaine,
N'aura plus ton regard plein de ciel ardoisé,
Ni...

Ô Sommeil, ô Mort tiède, ô musique muette !
Ton visage s'incline éternellement las,
Et le songe fleurit à l'ombre de tes pas,
Ainsi qu'une nocturne et sombre violette.

Les parfums affaiblis et les astres décrus
Revivent dans tes mains aux pâles transparences
...