À mon ami Auguste M***

Par une nuit d’été, quand le ciel est d’azur,
Souvent un feu follet sort du marais impur.
Le passant qui le voit le prend pour la lumière
Qui scintille aux carreaux lointains d’une chaumière ;
Vers le fanal perfide il s’avance à grands pas,
Tout joyeux ; et bientôt, ne s’apercevant pas
Qu’un abîme est ouvert à ses pieds, il y tombe,
Et son corps reste là sans prière et sans tombe.
Aux lieux où fut Ghomorre autrefois, et que Dieu
En courroux inonda d’un déluge de feu,
Sur la grève brûlée, asile frais et sombre,
Des orangers touffus s’élèvent en grand nombre,
Chargés de fruits riants dont la tunique d’or
Ne livre que poussière à la dent qui les mord :

Dans ma pensée, ami, je trouve qu’une femme
Qui sous de beaux semblants cache une vilaine âme,
Pour ceux que sa beauté décevante a séduits,
Pareille au feu follet, l’est encore à ces fruits.

Collection: 
1831

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